Le cinéma fantastique ou de terreur à la française a trouvé, en deux mois, une occasion de remonter la pente après les terribles expériences passées, de Gans à Richet. Après Alexandre Aja et sa Colline a des yeux, voici donc Ils, qui n’a rien à voir mais atteint son principal objectif : faire peur. Un jeune couple d’expatriés français, installé en Roumanie, vit non loin d’une forêt dans une vaste maison couleur locale. Au cours d’une nuit, une bande de mystérieux agresseurs tente de pénétrer la demeure : ils ne lâcheront pas prise avant d’avoir obtenu ce qu’ils veulent. Ce qu’ils veulent ? Question laissée en suspens durant presque tout le film, ce qui fait sa force avant de faire sa faiblesse au moment de la révélation finale (en plus adaptée d’une histoire vraie, détail martelé lourdement).
Mais cette naïveté explosant à la fin est aussi ce qui, pendant plus d’une heure, tient le film de manière admirable : la peur s’installe très vite et ne lâche à aucun moment le spectateur. Rien d’original bien sûr, mais une manière d’articuler le récit autour de deux classiques (Assaut pour la partie dans la maison, Blair Witch pour celle de la forêt) qui trouve peu à peu son équilibre. La maîtrise de l’espace de la demeure, assez exceptionnelle, ouvre et referme en une extraordinaire suite de séquences les échappatoires. Le moindre refuge est exploité (chambre, grenier) avant de se laisser vampiriser par le mal. Le traitement des agresseurs est tout aussi passionnant : invisibles mais bien présents, partout, dans le repli de chacun des plans.
Le recours au numérique n’a rien d’une pirouette pour faire vrai, il transpire une atmosphère mortifère et automnale qui trouve dans la séquence de la forêt un pic à l’efficacité rare. On retrouve par instants un style dont la sobriété et la rectitude ramènent aux meilleurs Wes Craven (La Dernière maison sur la gauche notamment) : film vraiment mauvais, foncièrement méchant, ce qui le différencie sur ce point du beau, mais assez gentil malgré ses éclaboussures gore, film d’Alexandre Aja. Ici, rien n’importe plus que de jouer sur le détail pervers ou la trouvaille qui glace (la musique d’autoradio et le hard rock qui viennent troubler le silence de la nuit, avant l’attaque). Rendre avec une telle modestie et une telle simplicité hommage à un cinéma de terreur brutal et sans le moindre raffinement n’est pas chose commune par chez nous. Exit le psychologisme bee movie et la tentation du baroque en papier crépon qui pourrissait par exemple un nanar comme Maléfique, avec Ils advient le temps d’une horreur épurée et sans le moindre prétexte franco-français.