Taylor Lautner, insupportable second rôle de Twilight, a paraît-il ses propres fans. Avec Identité secrète, il a désormais, qu’on le veuille ou non, son propre film. Il incarne ici Nathan, un ado friqué qui a le goût du risque, des soirées beuveries et aussi des yeux d’une jolie nymphette prénommée Karen (Lily Colins). Découvrant un jour que ses parents ne sont pas vraiment les siens, il est brusquement pris en chasse par la CIA et par des inconnus armés, apprend que son vrai père est un agent secret, et qu’il se trouve lui-même en possession d’une liste cryptée ultra secrète. Un certain Kozlow tente par tous les moyens de récupérer cette liste, mais Nathan, secondé de son amie Karen, n’est de toute manière pas du genre à se laisser faire. L’intérêt d’Identité secrète réside surtout dans sa façon de ne pas chercher à retenir par la logique ou la vraisemblance un récit de délire adolescent, fantasme d’ado schizo nourri aux jeux vidéo et aux blockbusters. Seul compte ici le plaisir du plan, de l’accélération, du loisir enfantin. John Singleton (auteur de Boyz’n the hood, du clip de Remember the time et plus récemment de Quatre frères) laisse s’emballer un film qui semble se réinventer à chaque scène, balance entre absurde et néant total, en évitant presque toujours de perdre l’équilibre.
Le work in progress commence par une oeillade, lors d’une fête, entre Nathan et Karen qui semblent au premier abord ne s’être jamais rencontrés tant la sidération de se voir, et d’être séduits, les cloue sur place. Or les scènes suivantes nous apprennent qu’ils fréquentent le même lycée : Nathan la revoit dans les couloirs. De nouveau, même regard sidéré, même effet d’apparition, de première rencontre. Mais la spirale se resserre : en réalité Nathan et Karen sont dans la même classe, habitent la même rue et ont même déjà vécu une idylle. A mesure que les séquences s’enchaînent, le récit se rafistole, glisse de petites corrections, remplit son vide en balançant dedans tout ce qu’il aurait oublié d’y mettre l’instant d’avant. Le film est fait de ces développements hasardeux, se laisse porter par une énergie enfantine, un certain papillonnement créatif qui le fait sauter de souvenir cinéphile en souvenir cinéphile. Identité secrète développe aussi, et surtout, un réjouissant cryptage de la parade sexuelle tel que pouvait le pratiquer Hitchcock (auquel Singleton se réfère ici souvent, notamment dans la scène du compartiment de train).
Malheureusement le film ne tient pas toujours le rythme – en particulier dans la dernière partie. Des scènes moins soutenues, plus statiques, évidées de suspens amoureux, par lesquelles se mesure la roublardise de l’entreprise : en mode pause, le film n’est, à proprement parler, plus rien. Reste, même au coeur de ce ratage, l’incroyable présence de Taylor Lautner, acteur nul mais dont le désopilant regard de killer permet toujours au film de s’équilibrer en efficacité et fantaisie gamine. La grande fiction (l’espionnage, la course-poursuite) s’applique sur ce visage de bébé viril très en colère pour s’en relever à la fois plus légère, et plus tonique. Lautner nous a à l’usure, et c’est aussi grâce à lui, au bout du compte, qu’Identité secrète parvient à faire la blague.