En cette fin d’année, la déferlante indé n’en finit plus de charrier de nouvelles productions dont le surnombre suffit à relativiser leur intérêt respectif. Non pas que Hustle & flow se démarque de ce qui est devenu au fil du temps un genre pas moins codé qu’un autre à Hollywood, mais sa carcasse de mini 8 mile retient au moins l’attention. Ne serait-ce que, contrairement à beaucoup de ses confrères, parce que le jeune cinéaste Craig Brewer a pleinement conscience de la vacuité de son statut et parce qu’il fait avec les moyens du bord sans jamais s’en gargariser « pour de faux ». En résulte une profonde sincérité, une frontalité bienvenue qui avalise l’histoire du film, celle d’un anonyme qui se bat pour s’en sortir.
Petit mac de Memphis, Djay voudrait comme tant d’autres percer dans le rap. Avec un ingénieur du son qui gagne sa croûte dans les mariages ou les séminaires d’entreprise, il se prend à rêver d’enregistrer une maquette qu’il remettra à une célébrité de passage qu’il aurait vaguement connu adolescent. Viennent compléter le groupe un petit galérien du synthé et les putes de Djay : l’une éteint le ventilo, l’autre enregistre une ritournelle samplée à la petite semaine. Art de la bricole théorisé par Brewer : du rêve de grandeur au mélo social embué, le film glisse immédiatement vers des enjeux plus pragmatiques. Comment faire pour juguler misère et créativité ? Comment transformer un salon miteux en studio d’enregistrement ?… Autant de questions artisanales pour autant d’antidotes narratifs qui transforment la complaisance fastoche en petit travail d’horloger.
La comparaison avec quelques récents hits indépendants plus friqués et classieux méduse. Là où un Collision, par exemple, s’acharne à reconstituer le réel pour s’élever dans un grand mouvement choral assez pompier, Hustle & flow à l’inverse, n’avance que dans l’intention de s’en extraire -du réel- assumant sans complexe son statut de film de transition. Du coup, le constat de la misère n’en est que plus boosté et les poncifs qui vont avec naturellement dégraissés. Chaque scène de pathos est appréhendée non sans une certaine douleur, comme un nouveau problème de mise en scène à régler, un passage obligé qu’il faut gérer au mieux. Pour preuve, la belle séquence d’achat du micro, où Djay se résout à redevenir minable petit hustler en sacrifiant au vendeur la fille qui l’accompagne pour une passe gratuite. Tout le cinéma en devenir de Craig Brewer est là : impeccable en situation de survie, mais qui ne garantit en aucune façon un avenir flamboyant.