En attendant la sortie sur nos écrans du nouveau film de Tsui Hark, Time and tide, présenté au Festival de Venise 2000, où il a récolté nombre d’échos favorables, les fans les plus impatients devront se contenter de ce dessin animé initié par le maître au début des années 90. Histoires de fantômes chinois est la version animée du long métrage homonyme réalisé en 1987, auquel Tsui Hark doit sa réputation internationale. Connaissant le goût du cinéaste pour les légendes du folklore asiatique et pour leur mise en images souvent très lyrique, son incursion dans le domaine de l’animation ne paraît pas très surprenante. En s’émancipant des contraintes du réel inhérent aux films traditionnels, Tsui Hark peut laisser libre cours à sa folle imagination et nous offrir un délire visuel que seule l’animation pouvait concrétiser.
Pourtant, la trame narrative d’Histoires de fantômes chinois ne diffère pas vraiment de son homologue de 1987, et reprend les mêmes personnages : Ning Caichen et son chien Lingot d’or, la belle âme errante Qian, la terrible maîtresse des goules et les chasseurs de fantômes Barberousse, Nuage Blanc et son disciple. Tsui Hark s’est contenté de rajeunir ses héros qui évoluent ici au sein d’un récit plus axé sur l’humour et l’action. C’est effectivement l’omniprésence des scènes de combat qui caractérise ce dessin animé. Sur un rythme effréné qui ne laisse place à aucun temps mort, le cinéaste fait se succéder féeries, batailles et sortilèges, avec en prime quelques séquences de comédie musicale. Prise au piège de cette cadence infernale, l’histoire perd petit à petit de son importance et l’enjeu au cœur de ce projet apparaît alors : aller le plus loin possible dans le psychédélisme des images. Une volonté à l’œuvre dès la première scène lorsque le héros est aux prises avec des éléments naturels réduits à l’abstraction dans un univers inspiré de l’heroic fantasy.
Plusieurs procédés furent d’ailleurs utilisés pour matérialiser les fantasmes picturaux de Tsui Hark : l’animation traditionnelle qui donne vie à des personnages dessinés selon la mode nippone, des effets numériques en 2D et des images de synthèse en 3D qui mettent en forme des décors hallucinants. Si le cinéaste s’est adjoint les services d’Andrew Chen pour superviser la technique et de Komatsubara Kazuo, un maître de l’animation japonaise qui a notamment participé aux premiers Goldorak, il n’en demeure pas moins qu’Histoires de fantômes chinois porte sa marque. L’occasion d’apprécier l’inventivité d’un Tsui Hark débridé, à l’aise comme un poisson dans l’eau dans l’univers sans limites du dessin animé.