Un troupeau de yacks encadré d’hommes dévale les pentes de l’Himalaya népalais. Leurs pas soulèvent la poussière qui entoure hommes et bêtes d’un vague halo. Les pieds chaussés de cuir et les sabots des animaux se mêlent dans un même mouvement. Sur la bande son, les chœurs tibétains scandent la beauté du plan. C’est vrai, c’est beau, mais de là à répéter la scène une, deux, trois, dix fois peut-être, tout au long du film…
Eric Valli, photographe et documentariste qui voyage depuis vingt ans dans la région du Dolpo, s’est inspiré de la vie de deux amis : un chef de village Thilen (interprète de son propre rôle) et un lama Norbou, pour réaliser Himalaya, l’enfance d’un chef. Point de départ du film : une envie de rendre hommage à ceux qui sont au fil des ans devenus proches du réalisateur. Soit rendre compte du mode de vie ancestral des habitants de cette région reculée et inhospitalière. De ce point de vue, c’est plutôt réussit. Organisation clanique du pouvoir, système de production duel organisé autour de l’agriculture et du transport du sel à dos de yack. Mais cette richesse documentaire est alourdie par la structure même du film et son ressort dramatique ultra-conventionnel. Le fils du chef du village se tue en montagne et une lutte s’engage pour lui succéder à la tête de la prochaine caravane, entre les tenants du renouveau soutenant Karma, ami du défunt, et Tinlé, le vieux chef charismatique qui juge le premier responsable de la mort de son fils et souhaite conserver le pouvoir en attendant que son petit-fils soit en âge de diriger. Si cette confrontation permet d’explorer l’attachement des habitants du Dolpo à leurs traditions au seuil d’un troisième millénaire qui n’a aucune existence à leurs yeux, elle entraîne cependant le film dans un scénario sans surprise et répétitif à partir du moment où tous deux partent avec leur propre caravane de sel.
Restent des images extraordinaires de paysages de haute montagne (entre 4 000 et 5 500 mètres d’altitude) rarement filmés. Et même si Eric Valli abuse de ses plans, tout comme de ceux du troupeau de yacks en marche, il n’en épuise pas toujours la beauté. La richesse du film est ainsi, aussi, extra-filmique, puisque Himalaya, l’enfance d’un chef est le premier long métrage de fiction réalisé dans la région. Il a nécessité une logistique particulière : tout le matériel de tournage, comme les sacs de sel du film, a dû être monté sur place, à dos de yacks.