Ancien collaborateur des Cahiers du cinéma, Olivier Assayas avait orchestré en 1984 un numéro spécial consacré au cinéma de Hong Kong. De cette expérience, il a gardé une fascination pour le cinéma asiatique en général et des contacts avec ce milieu en particulier. Son film Irma Vep, réalisé en 1996, avec la gracieuse Maggie Cheung -devenue depuis sa compagne-, en était déjà une première manifestation, tant par la forme que par le sujet : une actrice chinoise vient tourner à Paris un film français expérimental.
Avec HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien, Assayas effectue sa première incursion dans le documentaire. Réalisé en une semaine au début de l’année 1997, il y fait preuve d’un sens réel de l’écoute, suivant le réalisateur taïwanais Hou Hsiao-hsien sur les lieux de son enfance, au milieu de ses anciens amis, ou à Taipei la capitale, avec ses scénaristes et acteurs. D’anecdotes en anecdotes, le spectateur apprend ainsi que c’est la vision d’Œdipe roi de Pasolini qui inspire à Hou Hsiao-hsien sa réflexion sur le regard au cinéma, ou encore qu’il a recours à des scénaristes pour exprimer ses idées, tant il est limité par sa « flemme d’écrire ». Emaillé de conversations avec quelques-uns de ses collaborateurs, notamment les écrivains Chu Tien-wen et Wu Nien-jen, avec le critique et cinéaste Chen Kuo-fu, mais aussi d’un rappel historique sur l’île et d’extraits de films (Un Temps pour vivre, un temps pour mourir, Un Eté chez grand-père, La Cité des douleurs, Le Maître de marionnettes, et Goodbye south, goodbye), HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien tente de cerner une personnalité sans jamais sombrer dans l’hagiographie. On y voyage beaucoup, en bus, en bateau ou en train (Assayas va jusqu’à citer les fameux travellings sur le défilement des rails), et la caméra portée d’Eric Gautier (compère habituel du réalisateur français) embrasse aussi bien les gestes d’une cérémonie de thé que l’intérieur d’une maison des années 50 ayant inspiré Hou Hsiao-hsien pour la réalisation de ses films historiques (La Cité des douleurs, Le Maître de marionnettes). La dernière séquence du film, très belle, réunit le cinéaste taïwanais et ses amis autour d’un karaoké. Chantant des romances guimauves tel un petit garçon, Hou apparaît alors comme jamais on ne l’aurait imaginé : sans retenue, tendre et bourru à la fois.
Olivier Assayas confiera dans son journal de travail que Hou déplorait le fait de n’avoir pas eu le contrôle de la production de ce film : « Je crois qu’il y a ce regret et qu’il ternit et ternira toujours son rapport à ce documentaire, quoi qu’il advienne. » Loin du document d’exception, HHH vaut surtout pour le témoignage et l’admiration discrète d’un cinéaste pour un maître du 7e art.