La venue d’un outsider de la PME grolandaise permet au moins d’interroger la capacité d’une franchise (aussi iconoclaste soit-elle) à pouvoir exporter son estampille au-delà des frontières de son paysage télévisuel. Depuis peu, la paire Delépine-Kervern s’était privée de ses marottes poseuses et conceptuelles pour mieux rééquilibrer une mécanique comique en lignée de ses héritages (le fameux esprit Canal, Hara Kiri). Mais il fallait néanmoins passer par une purgation douloureuse en deux opus. En sera-t-il de même pour Kafka ?
L’homme, originellement écrivain, plus connu sous le blase Francis Kuntz, avait su dynamiser l’émission en endossant le rôle de l’intervieweur crapuleux. Le voici à son tour à la conquête d’un nouveau support, en transposant sa griffe sur un scénario classique d’imbroglio frauduleux. Originaire de Nancy, l’artiste se réapproprie son berceau culturel pour y importer la morgue ordurière d’un Kuntz bis, tant le calque grolandais et ses mécanismes semblent avoir bien résisté à l’exode lorrain. Le personnage change de nom, mais garde sa médiocrité de bon aloi : un tenancier de magasin de musique et guitariste minable de bals-musettes, adorant torturer à loisir son entourage, se rend capable des pires compromissions (accepter de jouer lors de meetings du MNF) pour faire son beurre. S’ensuivrait logiquement un portrait vachard, entre répartition des archétypes sociaux et caricature régressive du provincialisme arriéré. Rien à redire de ce côté-là : l’affreux, et son compagnon de mise en scène (lui aussi transfuge de Groland) aiment le vitriol qui tâche et s’y complaisent. Juste de la déconne, en gros, le cinéma finira bien par suivre.
Sauf que l’insouciance ne masque qu’à moitié un je-m’en-foutisme tellement balourd qu’il déborde progressivement sur un ennui des plus féroces. Sans proner la coquetterie d’un 7e Art face à une esthétique télévisuelle supposée sourde à cette question (faux-débat vieux comme Hérode), force est de constater chez cet Henry un manque tragique d’inventivité, voire d’un quelconque investissement dans la mise en scène. Le style proclame presque sa propre négation : aucun autre cadrage que celui d’un champ-contrechamp bêta, aucune direction d’acteur (malgré le potentiel d’une Elise Larnicol ou d’un Bruno Lochet), aucun ciselage dans les punch-lines ni dans les gags. Mais le pire reste dans l’impression globale : seul semble compter l’amateurisme face aux éventuels assauts de l’intelligentsia comploteuse. Du nanar anar, donc, pour décocher à la bien-pensance critique un doigt d’honneur bien senti. Bienvenue chez les ch’tis, loin d’être le héraut d’un cinéma populaire de qualité, avait néanmoins abandonné dès le départ ce faux débat épuisé (et épuisant), et assumait au moins une part d’abnégation dans sa mise en scène. Il mérite peut être une rehausse d’estime face à un tel monument de populisme. Banzaï.