Sur le basket-ball, sport national aux Etats-Unis et ferment identitaire pour la communauté noire américaine, on n’ose imaginer ce qu’aurait proposé le Spike Lee de Do the right thing. Il y avait dans les films de ce cinéaste franc-tireur une capacité à saisir les révoltes et les violences dans un style qui surprenait toujours, qui occupait l’espace visuel et sonore sans jamais se prendre au jeu de la « pure forme » ou de l’accroche publicitaire, qui dosait avec justesse la dimension politique du propos et l’énergie mise en jeu pour en rendre compte. On a du mal à voir dans He got game, la marque de ce style-là. Le nouveau Spike Lee est tout à l’opposé. Produit tapageur et brouillon, He got game fait beaucoup d’efforts pour trouver une identité sans jamais parvenir à intéresser vraiment.
Si les premières images -chorégraphie un peu lourde de basketteurs sur la musique symphonique d’Aaron Copland- laissent présager, sinon un choix de mise en scène, au moins une prédisposition du cinéaste à traiter son sujet dans une forme ouverte, s’autorisant des percées poétiques, des échappées belles à base de ralentis de ballons au panier, on déchante rapidement dès que s’engage l’intrigue principale : un père (Denzel Washington), condamné à une lourde peine de prison, est autorisé, sur décision du gouverneur, à quitter son pénitencier pour convaincre son fils, jeune prodige du basket-ball d’intégrer l’université d’Etat chérie par ce même gouverneur. En échange de ce service rendu, il pourra recouvrer la liberté. Le film est tout entier construit sur le rapport conflictuel entre le père et le fils et sur l’issue finale : intégrera, n’intégrera-t-il pas? N’ayant que ce mince argument à développer, le film s’engage très vite dans toutes les directions : tantôt clip musical de quinze minutes, tantôt émission sportive avec images télé, He got game finit par ennuyer. Le réalisateur ne fait pas de choix et le récit apparaît bientôt comme un bout à bout monté sans conviction, une suite d’images hétérogènes, soutenue par une bande musicale de plus en plus agressive.