Qu’on nous explique deux choses. 1. La passion actuelle pour ces figures mythologiques reconverties en chasseurs de bestioles (Blanche-Neige vs. les trolls, Lincoln vs. Les vampires, etc). 2. Comment Gary Sanchez Productions, le studio de Will Ferrell, s’est retrouvé à chapeauter Hansel & Gretel : Witch Hunters. On ne s’attardera pas ici sur la première anomalie, puisque le problème est à la fois trop vaste et trop tristement banal : c’est l’habituel petit commerce des majors face aux crises d’inspiration et aux lois du marché des droits d’auteur. Petit commerce consistant à refourguer des mythologies libres de droit et à les barder d’un cahier des charges de film pour ados, promettant une alchimie pop et bigarrée, constituée à 95% de vent moite. La combine marche, sans qu’aucune vraie matière ne circule, c’est un peu magique : les scénaristes américains ont ce petit côté Garcimore (ou Bernie Madoff, c’est selon), ce chic pour rameuter la clientèle rien qu’avec de la fumée inodore.
L’autre question est plus mystérieuse, et en même temps laisse un indice sur ce que visent certaines de ces pochades à-demi assumées. Will Ferrell parrain d’une telle chose, c’est a priori la promesse d’un pastiche parfaitement pince-sans-rire et clandestin, capable de démolir le tout-venant de l’intérieur. Parade utilisée, par exemple, par un Patrick Lussier, dont Hell Driver et Meurtres à la St-Valentin étaient en somme des parodies sous-couvert, des boules puantes envoyées incognito en mission suicide. La tonalité générale, ici, laisse d’abord croire à cette direction, d’autant que le film en a les moyens : il s’offre l’excellent Jeremy Renner, trop peu vu dans des premiers rôles depuis Démineurs, ainsi que des effets spéciaux à l’ancienne qui ancrent l’univers médiéval dans une dimension B ou Z, chatouillant nos souvenirs d’Evil Dead III : L’Armée des ténèbres. Moulés dans leurs perfectos-épaulettes et munis d’arbalètes en latex, Hansel & Gretel pètent de la sorcière et vont ensuite se pavaner au ralenti sur la place du marché, style nazillons fiers d’effrayer le village de bon matin après une ratonnade. Sauf qu’eux, tout le monde les aime, parce que les sorcières sont un fléau très sérieux, et que les deux petits ont des gueules d’ange. Le film ne cesse pas de taquiner cet évident ridicule bis, du bout des doigts. A ceci près que, malédiction, il faut tout de même ne pas aller trop loin : un peu de tenue, la jeunesse en veut pour son argent, elle exige du sang, du beau karaté, des justiciers bien gaulés encouragés par des gnomes vénères. L’intelligence de Lussier était justement de ne pas déroger à ce sérieux, contrant ainsi la vilaine tendance de la parodie officielle à sursignifier ses ambitions comiques (à peu près toute la descendance Wayans produit des choses irregardables pour cette raison), mais en vue d’atteindre une strate burlesque où la connerie se heurtait de plein fouet au génie. Pas de débordements, ici : une soupape bride constamment la folie du film, dont on craint sans doute qu’il ne passe pour une arnaque dans les multiplexes.
Résultat : le tout s’enlise dans la redite d’un esprit B à moitié drôle et peu soigné, en proie au mal actuel du « cul entre deux chaises » – déjà à l’œuvre dans Abraham Lincoln, chasseur de vampires. Reste le chaleureux cachet suranné dégagé par les maquillages faits-mains, évoquant une amusante synthèse entre Tom Savini et la version 90’s d’Au-delà du réel.