Dans le marasme actuel du cinéma italien décrit depuis longtemps par de nombreux critiques et historiens, Hammam, présenté l’année dernière au Festival de Cannes dans le cadre de la « Quinzaine des réalisateurs », vient rappeler la diversité de la cinématographie italienne, dont le Festival d’Annecy se fait l’écho chaque année.
Francesco (Alessandro Gassman, talentueux fils de Vittorio), un jeune architecte romain, doit se rendre en Turquie pour hériter d’un hammam légué par une tante qu’il n’a jamais connue. Il y rencontre les membres de la famille chez qui vivait son aïeule. Ceux-ci l’adoptent très vite et, peu à peu, Francesco tombe amoureux de la Turquie et de son nouveau mode d’existence, avant de se décider à rénover le vieux hammam…
Ferzan Ozpetek, dont Hammam est la première œuvre, a longtemps vécu entre la Turquie et l’Italie, ce qui permet au film d’échapper à un exotisme de pacotille, à un regard touristique dans l’appréhension cinématographique de l’univers turc (la représentation de l’Italie étant réduite à un lieu unique : l’appartement du couple).
Ozpetek parvient ainsi à créer un climat envoûtant et chaleureux, à travers sa vision de l’architecture orientale, son amour de la culture turque, et surtout l’indolence qui semble bercer le pays, malgré la menace d’un urbanisme grandissant qui le ronge telle une gangrène.
C’est d’ailleurs de son hédonisme revendiqué que Hammam tire ses séquences les plus touchantes. Les repas, par exemple, sont traités sur un mode festif dont les signes les plus aisément identifiables sont l’abondance de la nourriture et de la parole.
Par contre, le film est d’une trop grande timidité dans son approche des corps. Car le véritable sujet du film est finalement celui du rapt d’un corps (celui de Francesco puis, plus tard, celui de Marta) par un pays. Malheureusement, Ozpetek l’élude quelque peu en privilégiant une sorte de suspense facile autour des amours de son héros.
Ainsi, Hammam joue le jeu des fausses pistes manipulatrices et roublardes, avant une scène de révélation qui s’apparente à un climax voyeuriste contrastant avec la limpidité du reste de l’entreprise.
Il devient alors évident que le film souffre d’une mise en scène trop approximative (utilisation un peu abusive de la caméra subjective pour souligner la situation de l’étranger, par exemple) pour aborder un thème aussi magnifique.
Malgré tout, Hammam demeure une belle œuvre de résistance dans sa façon de célébrer une civilisation qui risque de rendre l’âme (au sens fort) à tout moment.