Présenté dans la sélection Un Certain regard, H story fut avec Trouble Every Day l’une des rares sensations du dernier Festival de Cannes. Moins laborieux que son précédent film M/other, dans lequel le cinéaste saisissait lors de plans séquence interminables le mal être d’un couple au bord de la rupture, le nouvel opus de Nobuhiro Suwa frappe par la fluidité de son récit tout en improvisations et la performance de son actrice principale, Béatrice Dalle, étonnamment sobre.
H story se présente de prime abord comme une sorte de work in progress : un cinéaste (N. Suwa dans son propre rôle) tente de réaliser un remake d’Hiroshima, mon amour, l’un des chefs-d’œuvre du cinéma moderne signé par Alain Resnais en 1959. On assiste alors au tournage de ce film dans lequel Béatrice Dalle (dans son propre rôle aussi) incarne le personnage jadis interprété par Emmanuelle Riva. Devant les réticences répétées de l’actrice, qui rechigne à rejouer geste par geste l’œuvre originale, naît un malaise diffus et bientôt la certitude que ce remake ne pourra se concrétiser. H Story débouche alors sur un constat d’échec : l’impossibilité de reprendre le flambeau du film ultime de Resnais. Comme pour M/other, Nobuhiro Suwa applique une méthode toute particulière à la fabrication de ses longs métrages dépourvus de scénario et reposant principalement sur l’aptitude des comédiens à improviser à partir d’un canevas des plus ténu. De ce procédé naît la troublante sensation d’un film en train de se réaliser sous nos yeux et dont le récit semble tout du long soumis à la logique de l’aléatoire. H Story n’est pas un film à suspens, mais presque. A ce petit jeu, Béatrice Dalle est parfaite, se prêtant volontiers à cet exercice périlleux à mi-chemin entre fiction et réalité. Lorsque la caméra s’attarde sur les doutes de l’actrice ou ses nuits seules dans sa chambre d’hôtel, le film se double même d’une épaisseur presque documentaire, comme s’il était aussi un vibrant hommage à Béatrice Dalle et son implication dans le projet.
Hanté par les images de Resnais qui interviennent parfois directement dans le récit et sont autant d’aveux d’échec pour Suwa, H Story n’est pourtant pas une simple mise en abîme à partir d’un tournage raté. Des cendres du drame survenu à Hiroshima (ville natale de Suwa) naît une atmosphère profondément mélancolique, peut-être le vrai sujet du film. Faisant preuve d’un sens de la durée assez émouvant, le cinéaste crée alors une non-fiction tout entière fondée sur le souvenir et sa célébration douloureuse dans le présent.