Créé en 1954 par le cinéaste Inoshiro Honda, Godzilla est devenu au fil des ans un véritable mythe du cinéma fantastique. Loin de l’imagerie « kitsch » que la jeune génération a tendance à lui donner, ce premier long métrage sur le monstre mutant est une magnifique métaphore de la conscience nipponne dix ans après les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki. De ce chef-d’œuvre de la science fiction découle de nombreuses suites, créant ainsi un genre cinématographique à part entière : le « Kaiju Eiga ».
Utilisant le filon des dinosaures, après le phénoménal succès des deux Jurassic Park, le duo d’opportunistes Roland Emmerich et Dean Devlin, déjà responsables du catastrophique Independance day, s’attellent à ce remake maintes fois mis en projet mais toujours repoussés. L’attente n’en était que plus grande et la déception est à l’image du monstre : de taille énorme, colossale, gigantesque… Il est difficile de croire que les dirigeants de la Toho, producteur de l’original, aient pu donner leur accord sur un scénario aussi stupide. Reprenant l’idée de la mutation radioactive, Emmerich et Devlin scénaristes ont imaginé la métamorphose d’un lézard à la suite des essais nucléaires français. Ce lézard devenu immense s’attaque alors à de nombreux navires non loin des côtes japonaises puis américaines. La machine militaire U.S. se met en place, louant les services d’un jeune spécialiste de la radioactivité, le professeur Nick Tatopoulos (interprété par un Matthew Broderick qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère). Parallèlement, un groupe d’agents secrets français, emmené par Philippe Roche (Jean Reno au pire de sa forme) est envoyé sur le terrain afin de réparer les bêtises de Chirac. Toute cette petite troupe ne pourra cependant pas empêcher le gros lézard de débarquer sur New-York et de réitérer ce que les extraterrestres ont déjà fait deux ans plus tôt, soit tout casser. Mais ce n’est pas fini, car la grosse bestiole est aussi une reproductrice qui, telle une lapine, s’empresse de pondre près de deux cents œufs en plein cœur de la grande pomme…
Place au manque d’originalité, à une resucée affirmée, à un humour qui ferait pâlir Jean Lefèvre lui-même, ce film est nul, il ne vaut rien. L’ambition est nettement affirmée : faire du fric avec un sujet qui peut offrir une bonne opération de merchandising. Il est amusant de se dire qu’un enfant de huit ans élaborerait le même scénario avec ses cadeaux du dernier Noël. La mise en scène d’Emmerich est d’une rare laideur, démontrant une fois de plus qu’il n’a aucune volonté artistique. C’est dommage, vraiment dommage qu’un sujet pareil face l’objet d’un tel sabotage. Que reste-t-il du monstre pathétique et poétique d’Inoshiro Honda, simplement un dinosaure qui change de taille à chaque plan, une créature en image de synthèse qui fait penser au dernier jeu vidéo de chez Nintendo. Car, le comble pour une production de cette envergure, les effets spéciaux sont d’une choquante médiocrité.
On s’ennuie donc, et fermement, devant ce spectacle affligeant qui donne un goût de déjà vu, notamment dans une scène, longue de près d’une demi-heure, durant laquelle les chercheurs découvrent les œufs de la bête (merci Alien), avant de se faire poursuivre par leurs occupants (très gros merci aux velociraptors de Jurassic Park), sauf qu’Emmerich n’est ni James Cameron, ni Steven Spielberg. Pas étonnant que ce navet n’ait pas eu le succès escompté outre-Atlantique, Devlin et Emmerich se rendront peut-être compte que le public mérite un minimum de qualité lorsqu’il paie sa place de cinéma, et que le septième art se doit d’évoluer et non de régresser. On n’ose imaginer qu’il y ait eu une parcelle d’honnêteté dans cette opération de marketing de la part des deux compères, sinon on les plaint franchement. A éviter donc.