Alors que l’Antiquité et son cortège de jupettes ne font plus recette depuis les années 60 et que la télévision se contente de rediffuser ad vitam æternam des classiques, tels Ben Hur ou Spartacus, Ridley Scott parvient miraculeusement à faire revivre un genre que l’on croyait définitivement mort. Ressusciter le péplum est déjà un prodige en soi mais la véritable réussite du film réside dans le fait d’avoir su renouer avec un cinéma populaire de qualité. Car si Gladiator est sans conteste un blockbuster, le film ne s’embarrasse d’aucun des défauts inhérents à ce type de produit : dialogues stupides, blagues malvenues, personnages creux, sans compter une idéologie fréquemment douteuse. Pour une fois le spectateur n’est pas pris pour un débile profond, s’il est avant tout là pour se divertir, on fait également appel à son intelligence.
Marc Aurèle, empereur vieillissant, désigne son fidèle serviteur, le général Maximus (Russell Crowe), comme successeur. Mais Commode (Joaquin Phoenix), son fils, refuse d’être écarté du pouvoir ; il tue son père et ordonne l’exécution de Maximus. Ce dernier parvient à s’échapper mais ne peut empêcher l’assassinat de sa famille. Blessé, il est capturé par un marchand d’esclaves qui le vend à un laniste. Devenu un gladiateur extrêmement populaire, il revient à Rome pour affronter Commode au Colisée. L’histoire de Maximus n’est pas sans rappeler celle de Ben Hur : même destin brisé, même volonté de vengeance, mais ce parcours demeure assez classique, et les similitudes qui rapprochent les deux films sont bien plus profondes. Tous deux ont su, à plus de 40 ans de distance, être des films à grand spectacle sans pour autant sacrifier le scénario ou la dimension psychologique des personnages.
Batailles sanglantes, combats cruels dans les arènes, Gladiator ne ménage pas les effets, bien que le film soit aussi basé sur une intrigue solide qui fait pleinement exister ses héros. Ainsi, aux combats physiques des gladiateurs se superpose une lutte pour le pouvoir bien plus perfide, sur fond de complots et de trahisons. Le face-à-face entre Maximus et Commode (Joaquin Phoenix est particulièrement fascinant en empereur sadique et décadent) est avant tout un affrontement entre deux conceptions du pouvoir : pouvoir tyrannique et totalitaire qui ne concède au peuple que les jeux du cirque et pouvoir qui aspire à une certaine démocratie grâce à l’existence du sénat. Si Ridley Scott avait pu vaincre ses penchants grandiloquents -une caméra qui virevolte par trop dans l’arène, une mise en images emphatique et d’une grande laideur des souvenirs de Maximus-, le film, dans sa catégorie, aurait pu être une réussite totale. Malgré tout, Gladiator demeure un film grand public d’une rare qualité, qui prouve de manière irréfutable que cinéma populaire ne rime pas forcément avec comédies foireuses ou films d’action décérébrés.
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