Une jeune fille issue d’un milieu familial difficile (père violent, mère suicidée) se passionne pour la boxe, jusqu’à en faire un art de vivre. Avec un sujet aussi prompt aux clichés, la cinéaste novice Karyn Kusama s’en sort très honorablement. Girlfight sera donc avant tout le portrait de Diana, adolescente hargneuse qui cogne dans les couloirs du lycée, et dont la colère sera canalisée grâce à la découverte du sport de combat. Et qui dit portrait, dit actrice. En l’occurrence, l’animal se nomme Michelle Rodriguez, rage dans les yeux et poings sur le qui-vive. Impressionnante dans les séquences violentes, la comédienne sait également nourrir de son intense présence les moments intimistes.
En ce qui concerne la mise en scène, le bilan s’avère plus mitigé, le film de Karyn Kusama séduisant davantage par ce qu’il évite que par ce qu’il propose. Girlfight travaille ainsi essentiellement sur le refus du spectaculaire. Le parcours de Diana ne sera pas celui d’une championne, mais d’une athlète talentueuse, sans que son don soit garant d’un avenir radieux. Idem pour les scènes de boxe, davantage du côté de l’humain et des affects (notamment lorsque Diana affronte son amant) que d’une quelconque recherche stylistique. Loin des effets à la Raging bull, le film développe sur le ring une tendance à l’inertie probablement due à une volonté de réalisme (la plupart des boxeurs débutent) ; option qui, d’autre part, intrigue par sa totale absence de suspense, attentant par là même aux conventions du genre.
Si ces partis pris en creux sont plutôt respectables, on pourra malgré tout reprocher à Kusama le manque de punch de son cinéma. Trop découpé, abusant de gros plans censés souligner l’expression des visages, Girlfight souffre de sa faible ambition, voire d’une certaine léthargie créatrice. Certes, la réalisatrice demeure attentive à ses personnages toujours justes et parfois même touchants, mais peine à se détacher de l’aspect métaphorique et simplet de son histoire. Bref, on n’échappe pas au message social pesant du type : « si tu veux survivre, il faut te battre », avec, bien entendu, un minimum de nuances forgeant l’identité de l’œuvre et de ses héros. C’est ce qui fait toute la différence entre un petit film indépendant honnête et un banal produit hollywoodien, sauf que, pour le coup, l’on aurait rêvé d’une liberté formelle et narrative plus engagée.