Bill Murray en v.o., Cauet en v.f. : choisis ton camp, camarade. N’ayant eu le choix, il nous fut proposé le Garfield gaulois. A l’image du film, qui fait du nom Cauet son argument de vente, c’est le non événement absolu. La voix du pitre audiovisuel est aussi incolore et insignifiante qu’une horloge parlante enrhumée. A moins de considérer qu’une telle prestation de la part d’un mini clown comme celui-là, se rêvant sans doute en prince de la subversion et de l’insolence chez TF1, rajeunissant son public-cible de quelques années -disons la tranche CE2-CM2- soit déjà suffisamment risible en soi. Ce n’est pas faux, mais de toute façon la vraie star du film n’est évidemment pas la voix (le doubleur officiel bulgare de Henri Guybet aurait fait au moins autant d’effet), mais le gros chat Garfield, héros d’une éternelle BD, et qui devait fatalement, un jour ou l’autre, subir une transposition au cinéma.
Garfield, le film, est à situer aux confins d’une galaxie moche où brillent d’un éclat de charbon numérique quelques perles célestes du nom de Spy Kids 1, Spy Kids 2, Spy Kids 3 (en relief !), ou Inspecteur Gadget, ou Cody banks ou la méconnue saga en devenir des Superbabies (P’tits Génies en v.f.). Petites boutiques des horreurs, qui font pleurer d’épouvante ces enfants qu’ils voudraient ravir. Laideur du moindre effet (SFX cheapissimes, raccords en rideaux, etc.), et surtout des décors lisses, froids, sinistrement propres, sans une poussière, rien qui dépasse, gazons nickels et presque fluos, jamais piétinés par les héros tels que le propriétaire de Garfield, gentil couillon en chemises à couleurs, ou sa copine véto, l’archi-bécasse Jennifer Love-Hewitt. Evidemment c’est bien là, plus que par son essentielle nullité, que Garfield est vilain. Ecrit par Joel Cohen et Alex Sokolow (s’il faut veiller à ne pas les confondre avec Joel Coen et Alex Sokurov, ils ont quand même participé au scénario de Toy Story), il s’y propage de tristes rêves de domestication. Jon, le sympathique pépère à son gros matou, incarne à merveille ce lugubre idéal d’une vie végétale et sous contrôle, à travers sa bienveillante passion pour les animaux, pour leur confort, pour l’harmonie à poil ras de son home. C’est son seul lien avec le monde en général, existence présentée comme un comble de l’épanouissement, mais visiblement dépourvue d’activité sexuelle, où même l’irruption de l’élément féminin (vétérinaire évidemment, seule passerelle entre le monde humain et le reste du règne animal) est absorbée par ce rêve de nettoyage (des affects, des relations, de l’intérieur des maisons, du territoire de vie, de l’existence). Rêve sans désir pondant une scène finale avec papa, maman et leurs deux enfants (Garfield le chat et Oddie le chien) souriant sur leur canapé devant la télé, avant de retourner chacun à sa niche. Retenons-nous de dire que Garfield est un film assez puant, parce que c’est les vacances.