Partant du principe que la misère s’est insinuée en chacun de nous (la précarité, la survie, et le non-plaisir au travail étant étrangement mélangés et constitutifs de celle-ci), et que l’habitude de s’ennuyer au boulot ou de dormir dans la rue relève d’une même soumission, Christophe Otzenberger a passé une année à courir les rues et à hanter les cafés. Il a filmé des SDF, des personnes qui partent le matin au travail, des passants qui, dans la rue, croisent un mendiant sans le regarder, des militants du Comité des Sans Logis et de Droit Au Logement, des responsables associatifs, et des politiques en leur posant continuellement toujours la même question : et vous, comment vivez-vous avec la misère ? Fragments sur la misère est donc composé d’entretiens plus ou moins longs filmés à l’instinct et dans l’instant, où la voix d’Otzenberger (le point de vue…) est très présente, voire parfois envahissante. D’emblée, les différents dispositifs d’interviews agacent. Il est clair qu’en demandant aux gens à six heures du matin, à la sortie d’un train de banlieue, s’ils sont heureux d’aller travail, le réalisateur recevra un grand nombre de réponses négatives (à cette heure-ci, généralement, tout le monde préférerait pouvoir dormir…). Mais en quoi celles-ci prouvent-elles que la misère au travail s’est généralisée ? En questionnant -en interpellant- un badaud qui refuse d’acheter Le Réverbère, ou en discutant avec un clochard qui explique que dans sa vie c’est « marche ou crève. C’est tout. Soit tu résistes, soit tu crèves » que cherche Otzenberger ? À culpabiliser celui qui n’aide pas ? A donner un espace de parole à ceux qui n’ont plus rien ? À ouvrir nos yeux sur la déliquescence aggravée de la société française sur laquelle nous nous interrogeons quotidiennement ? Le procédé général du film est autant facile que désordonné (l’action militante, le regard de la société sur les laissés-pour-compte et la parole de ces derniers -trois sujets différents- sont traités de la même façon) et la maïeutique de l’accoucheur-réalisateur ne fonctionne pas. Fragments sur la misère prend trop le spectateur par la main en le prenant pour un con ; Otzenberger n’a pas le monopole de la révolte.
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