Folle de Rachid en transit sur Mars : derrière ce titre improbable et à rallonge se cache une compilation de quatre courts métrages signés Philippe Barassat, jeune cinéaste qui cultive justement les associations absurdes, les récits délirants en forme de cadavre exquis. Choix qui détonnent dans le monde du film court trop souvent compartimenté entre essais auteuristes et blagues de potaches pas drôles. Barassat, lui, est plutôt du genre à faire éclater les frontières, comme dans Mon copain Rachid, où il n’hésite pas à accoler une lecture de Camus par Frédéric Mitterrand, une fusée en forme de pénis géant et une danse orientale tournée dans le PMU du coin. Il en va de même pour tous les films du programme, chacun apportant à sa manière la preuve d’un foisonnement éclectique, jonglant avec les acteurs, les images et les influences (fortement connotées gay, du côté de Pasolini pour le bon goût, de Pierre et Gilles pour le mauvais).
Les synopsis annoncent déjà la couleur : Sophie est amoureuse d’un beau garçon qui préfère se taper des grosses (Folle de ce mec), Eric, 10 ans, ne jure que par la bite démesurée de son pote arabe (Mon copain Rachid), un homme défèque sans digérer et va même jusqu’à recomposer la nourriture ; ainsi, il lui arrive de chier une truite ou un poulet entiers (Transit). Last but not least, Les Eléphants de la planète Mars suit la déchéance de Mlle Jacobonot (Arielle Dombasle, génialissime), institutrice qui ne se pardonne pas d’avoir renvoyé Jimmy, son élève à tête de citrouille ; du coup, elle danse sur de la bossa nova en HP avant de se transformer en singe hurleur d’Amazonie. Des postulats incroyables et pourtant réducteurs, car Barassat ne se limite jamais à une poignée d’idées saugrenues et navigue vers des horizons bien plus ambitieux, au coeur d’un univers rêvé capable de réconcilier humour scato et poésie pure, fureur grotesque et mélo radical, décors cheap et lyrisme absolu. Mais surtout, le cinéaste sait faire rire comme personne, en particulier avec Les Eléphants... A coups d’Arielle Dombasle en moon-boots, de dialogues surréalistes et de « gueules » surprenantes (dont celle de Piéral, acteur nain remarqué chez Delannoy et Buñuel), Barassat semble avoir inventé un nouveau type de comédie, fourre-tout et hystérique, dont on attend, d’ores et déjà conquis, les prochains rejetons, courts ou longs.