Imaginons un futur proche où moyennant finance, une multinationale très vicieuse vous implante un mini-camescope dans le cerveau. A votre mort, un croque-mort monte le film de votre vie, évidemment dans le bon sens, ce qui fera enrager vos ennemis ou les derniers défenseurs de la liberté d’expression. Pour le reste, il y a Robin Williams en anti-héros qui découvre l’insoutenable vérité, un design glacé et soft (les ordinateurs portables en imitation bois et pas un vaisseau spatial à l’horizon) servant un discours implacable sur notre société vraiment cauchemardesque.
On s’en doutait : Andrew Niccol, le gourou des fables d’anticipations imbues d’elles-mêmes, finirait bien par faire des petits. Fraîchement sorti de la fac, des Truman show et des Simone pleins la tête, le jeune Omar Naim veut lui aussi estomaquer Hollywood avec un film-concept visionnaire. Tout cela pourrait être au moins plaisant s’il ne prenait pas cet air de grand penseur inspiré qui emporte le film aux cimes d’une prétention plus ridicule qu’agaçante. Car même question frime, Final cut se rétame, jamais à la hauteur, trop malingre, trop moche. Pas même un brin de ludisme ne vient dégeler cette bérézina. Cramponné à son scénario, Naim ne cherche pas à en sublimer les parties les plus visuelles. Il faut voir la constipation insensée des séquences de montage, pourtant le poumon du film, réduites à la narration pure et simple.
La jouissance exclue, le film aligne un joker post-adolescent, celui de la description sociologique menaçante avec manifestations au rabais (une poignée de figurants tapisse le fond d’une scène ou deux) et théorie du complot. Naim fait comme s’il avait les moyens de ses ambitions, animé d’une naïveté pathétique de grand oeuvre tentaculaire. Ça ne prend pas, le film se limitant à deux strates simplettes : les riches arrogants en costar contre les rebelles identifiables à leur tatouage facial acheté au farces-et-attrapes du coin. Mais le clou du spectacle revient à un Robin Williams exsangue, obligé de jouer la superstar oscarisable seul contre tous. A cabotiner à ce point en surjouant la dépression suicidaire, on le soupçonne de lucidité patente quant à l’ampleur du désastre. Impossible, du coup, de prendre de la hauteur même pour ricaner un bon coup. Le voir se disloquer dans une liste sans fin de thrillers minables relève presque du snuff movie.