Après l’audace grand-guignolesque de son précédent film, Le Frère du guerrier, Pierre Jolivet revient à la grammaire rassurante et sans risques de la comédie sociale pour rire et pour rien qui a fait le sommet de son oeuvre : Ma Petite entreprise (rires). Le scénario de Filles uniques organise, de manière très balourde, la rencontre entre deux trentenaires qui n’auraient jamais dû se rencontrer, entendez que tout, et surtout le « Mur de l’Argent », aurait dû séparer à jamais : à ma droite, Carole, juge d’instruction consciencieuse et proprette (Sandrine Kiberlain, pas trop à contre-emploi) qui n’ose s’avouer le grand ennui de sa vie ; à ma gauche, Tina, voleuse récidiviste, fille libérée (Sylvie Testud, sans emploi) qui peut en raconter aux bourgeois de tous poils. Rencontre improbable, amitié impossible dans notre monde cloisonné, marqué par l’indifférence et le chacun pour soi ; c’était sans compter la magie du cinéma, le septième art de Jolivet qui, non seulement, nous offre l’utopie de cette rencontre, mais invite chacun de nous à réfléchir à l’impensable : quand une juge d’instruction rencontre une voleuse, elles se racontent des histoire de quoi ?
Excusez la faiblesse de la réponse : des histoires de chaussures. Idée scénaristique aussi paresseuse qu’il y paraît, trouvée quelque part entre la passion féminine pour les chaussures, la prose récente sur les marques comme identifiants de « la jeunesse des cités », sans oublier le fonds des maximes et dictons autour des pieds et des souliers qui fixent les balises d’un certain imaginaire social archétypal, horizon pauvre des films de Jolivet : Depuis les « cordonniers mal chaussés » (le personnage de Carole) jusqu’au fameux « trouver chaussure à son pied » (manière de raconter le film), en passant par l’inaltérable « prendre son pied » (le moteur de toute l’histoire). Ironie à part, cette assommante histoire de godasses comme lien entre les deux filles, avant la révélation d’autres liens tout aussi artificiels (le titre : Filles uniques, le slogan : « on fait les conneries ensemble »), occupe un tiers du film et l’on finit par se demander si les deux auteurs n’ont pas arrêté l’écriture du scénario avant d’avoir commencé, tellement ils ont peu à dire et à montrer dès les premières images.
Pour résumer, on dira que Filles uniques c’est : un rôle de plus pour rien pour deux actrices qui ne le méritent pas ; un film de plus pour Pierre Jolivet qui ne le mérite pas non plus.