« Tu n’es pas ton compte en banque », « tu n’es pas le contenu de ton portefeuille », « les choses que tu possèdes finissent par te posséder ». Que l’ex-réalisateur de spots publicitaires pour Nike, Levi’s, et Coca-Cola se soit reconverti en détracteur de la société de consommation, quoi de plus ironique ? Mais après tout, le Dr Jekyll MTV cache peut-être un Mr Hyde anar. Au vu de Fight Club, ce dédoublement de personnalité serait plutôt de l’ordre de l’aspiration fantasmatique, à l’instar de la transformation subie par le personnage principal (Edward Norton).
Dès l’instant où ce bon petit cadre stressé rencontre la brute Tyler Durden (Brad Pitt), son existence se voit chamboulée. Il abandonne sa vie confortable et ses meubles Ikea pour fonder avec Tyler une société secrète dont les membres se retrouvent dans le sous-sol d’un bar sordide pour s’affronter à poings nus. Morale de l’histoire : consommation égal castration. Les mâles doivent donc reconquérir leur virilité perdue à travers des combats sanglants. Faire jaillir le sang, la sueur et les larmes dans une société aseptisée, le projet est on ne peut plus séduisant. L’irruption de l’organique donne d’ailleurs lieu à quelques scènes plutôt réussies dans la catégorie humour noir (Tyler a pour gagne-pain la vente de savons maison dont la matière première, détail croustillant, est à base de graisse humaine récoltée dans les cliniques pratiquant la liposuccion). Celle-ci n’est malheureusement qu’anecdotique et le film se caractérise avant tout par sa mise en scène tape-à-l’oeil. Il faut avouer que cette dernière ne laisse pas totalement indifférent et qu’elle donne parfois lieu à des moments de fulgurance étonnants -voire, par exemple, la scène érotique entre Edward Norton et Helena Bonham Carter, ou encore, l’incrustation d’une image subliminale figurant un sexe masculin dans un film familial.
Mais David Fincher ne fait que fantasmer sur Tyler, son reflet idéalisé. Il aimerait être un agitateur, un trouble-fête, sauf qu’il n’agite pas grand chose au final, excepté du vent et « quelques effets mode ». Son esbroufe noie toute tentative d’émancipation, ce qui fait que Fight Club est aussi subversif qu’un spot d’Oliviero Toscani pour Benetton. Bref, beaucoup d’images pour pas grand chose.