Feu de glace est le remake alpin de Neuf semaines et demi : Alice rencontre Adam, un alpiniste ténébreux qui va la faire plonger dans les tourments d’une passion torride et destructrice. Adam a un problème : ses fantasmes de campagnard bourru font ressembler ses ébats à de rudes et violentes parties de chasse à courre en montagne. Alice se demande jusqu’où tout cela va aller, d’autant que le passé de son trappeur-lover semble cacher d’inquiétants secrets judiciaires…
Grand cinéaste académique qui laissa croire un instant en des talents au dessus de la moyenne, Chen Kaige s’est récemment fourvoyé avec un pénible et réactionnaire L’Empereur et l’assassin. Feu de glace, tourné en Angleterre pour des raisons de censure, ne viendra pas rehausser la carrière en sérieuse voie de ringardisation du réalisateur. Véritable ovni où se croiseraient un sous-Wong Kar-waï (pour le côté enluminure arty) et un sous-Adrian Lyne (pour le côté bonbon glacé), le film oscille entre série Z boursouflée et exercice de style soigné. Un peu à la manière d’un supermarché du cliché, Feu de glace se joue de tous les genres (mélodrame, thriller, érotisme soft), de tous les ressorts et de tous les fonds de tiroir d’un cinéma d’exploitation chic et toc. Il n’aurait pas fallu grand chose pour faire de cette entreprise bâtarde un étrange objet protéiforme, opposant deux cinématographies finalement très complémentaires (raffinement extrême-oriental + esthétique BBC) dans un curieux mélange de tics visuels érodés mais singuliers.
Oui mais voilà : il y a ici Joseph Fiennes dans le rôle d’Adam, éliminant d’un trait la grâce parfois ténue de la mise en scène de Kaige. Surjouant les bûcherons déviants, il donne à son personnage des allures de post-Mickey Rourke savoyard : regard oblique de labrador psychotique, grâce de mammouth dépressif, poses de boxeur texan évoquant plus un rejeton sorti de La Colline a des yeux que l’alpiniste étrangement glamour qu’il est sensé incarner. Il y a deux films en un dans Feu de glace : une hilarante comédie de gestes (digne de La Cité des anges avec Nicolas Cage, un sommet dans le genre) et un très ennuyeux thriller, à peine sauvé par la blondeur minaudante d’Heather Graham.