Il est amusant de voir Michael Youn jouer désormais au comique repentant sur les plateaux télé, allant jusqu’à reconnaître avec des yeux d’épagneul battu la nullité d’Incontrôlable, pour lequel il s’était pourtant fendu à l’époque (2006) d’une impayable lettre ordurière adressée à la critique. Au-delà de cette nouvelle stratégie de communication (premier film comme réalisateur, Pygmalion de sa nouvelle copine qui le suit partout, un petit côté « j’ai changé », « j’en ai bavé » un tantinet sarkozyste), on peut admettre la sincérité de la démarche. Plus que ce changement d’humeur, Fatal traduit plutôt un déclic, une remise en cause ; ou du moins ce petit frissonnement d’angoisse qui la précède.
S’agissant de Youn, qui a joué toute sa carrière sur le mode petit roquet pourri gâté, la démarche est même plutôt sympathique. D’autant qu’il reprend le personnage de Fatal Bazooka, parodie de rappeur créée pour la télé avec un savoir faire indéniable. Maîtrise parfaite des codes du clip, du rap et de l’air du temps, art de brocarder la franchouillardise qui sommeille en chaque people tricolore qui se prend pour une vedette américaine : Youn tenait là une base solide pour un premier film, un cadre qui lui garantissait un minimum de latitude. Epuré jusqu’à l’os, le scénario monte un alléchant duel de tocards qui donne envie d’y croire, confrontant un Fatal sur le déclin (Youn, dans un rôle miroir évident) à un insupportable chanteur à minettes (le Québécois Stéphane Rousseau). Et pourtant, on n’a rarement vu intrigue aussi flasque, mitée par une mise en scène dépassée en tout. Narrativement, c’est interminable, besogneux, hystérique ; esthétiquement, le film barbouille dans un bling-bling gâté, d’une laideur repoussante, la texture de l’image vidéo s’apparentant aux rainures desséchées d’une pomme blette.
On voit bien où Youn a voulu en venir, – dézinguer le show-bizz, les modes médiatiques, devenir le Will Ferrell ou le Ben Stiller français -, on voit surtout comment il se crashe, loin, très loin de ses modèles et de ses objectifs. Comme Fatal finissant par admettre qu’il n’est qu’un rappeur imposteur, la mise en scène semble se décomposer dès le premier mouvement d’appareil, subitement consciente de ses limites et de son indigence, trop paniquée et lucide pour oser se réfugier dans l’autosatisfaction. Tout le film est assimilable à une crise d’angoisse géante, passant de la crispation à l’hystérie : humour dosé à la truelle, élan kamikaze des acteurs, à commencer par Youn lui-même, souffreteux comme jamais, dont le visage n’a sans doute jamais été aussi engourdi par la trouille. Signe ultime de ce détraquement généralisé, l’affreux monde parallèle qui sert d’écrin au film (tourné à Montréal), dont le cinéaste lui-même ne semble pas avoir tranché s’il s’agissait d’un Paris de science fiction ou d’une ville américaine qui parle Français (les paris sont ouverts). Le film de la maturité, lui, n’est pas pour tout de suite.