Ben c’est pas compliqué, avec Fast and furious, d’appuyer à fond sur le champignon métaphorique et d’embrayer, ici, maintenant, sur une chronique estivale et par conséquent dévêtue. Car Fast and furious, c’est de toute évidence le porno du samedi soir revu et corrigé par Norauto. Voyez l’affaire : le sous-titre, « Tokyo drift », désigne une tokyoïte activité qui consiste à faire déraper sur le bitume une grosse cylindrée en empoignant avec la plus grande fermeté le frein à main de ladite automobile. Nul ne peut nier la dimension érotique de ce geste, et voir dans le phallique manche du frein à main un dérivatif à l’angoisse de la castration. De toute évidence, la saga Fast and furious cultive à fond de telles correspondances. Son programme -des filles de calendrier regardent en hurlant de plaisir des boeufs conduisant des voitures de calendrier- est un merveilleux jeu de dominos et d’équivalences sensori-motrices, où s’invente la voiture comme troisième sexe, qui subsume et dépasse dialectiquement les genres. La bagnole transgenre, la bagnole queer. Les filles y sont filmées comme des pots d’échappement, tandis que les voitures figurent admirablement le prolongement des organes reproductifs du mâle en mal d’assurance et de reconnaissance virile.
Le fétichisme automobile s’affiche alors comme substitut idéal et préventif à toute guerre des sexes, à tout sexisme. Il n’y a pas la plus petite trace de machisme ici, pas l’ombre d’une soumission du féminin à la norme pornographique imposée par la mâle engeance. Certes le film les montre excitées comme des cochonnes à la moindre éructation d’un moteur V6 et prêtes à s’offrir corps et âme, et sans mot dire, au premier boy venu pourvu qu’il sache faire crisser ses pneus. Mais le secret de Fast and furious, c’est précisément ce renversement qui élit la voiture comme union supérieure et résolution des contradictions. C’est un remake de Cars, le film de Pixar, où cette fois le concept serait parfaitement abouti : règne non-humain de la ferraille où s’absorbe tout anthropomorphisme, ou bien retour à un monde antédiluvien et au règne de la boule androgyne décrite par Pythagore. Cars + Crash = Fast and furious, grand film, donc. La voiture s’est si subtilement substituée à toute activité sexuelle (ici, on ne couche pas, c’est évident) que le cosmos-mâle entier est devenu asexué d’un tour de clés. Les filles couchent avec les voitures, lesquelles ont vampirisé et remplacé les garçons, ainsi violemment castrés et réduits à des pantins sans gloire, condamnés à l’auto(mobile)-érotisme, voire à la négation même de l’érotisme si l’on reprend sa définition par Bataille comme continuité par-delà la mort. Il ne leur reste plus qu’à serrer fort et masturbatoirement le frein à main, geste d’absolu nostalgie du temps désormais disparu de la séparation des sexes. Girl power absolu, victoire sans appel des filles, évidemment, qui détiennent le pouvoir malgré leurs accoutrements de pornstars, leurs bouches en cul-de-poule et leurs fesses frétillantes. D’ailleurs on dit « une » voiture, « une » caisse, « une » bagnole. Alors qu’on parle d' »un » camion, « un » tracteur, « un » motoculteur. CQFD.
Ben sinon l’histoire c’est un jeune yankee qui débarque à Tokyo, devient pote avec un gentil black rigolo et un Jap sympa, zen et mélancolique, fout une raclée aux niakoués anonymes et soumis à comme des veaux à la coercition exercée par l’ordre ancestro-ninjato-yakuzesque, et rafle la meuf du chef niakoué (plutôt occidentale, quand même, faut pas déconner). Triomphe sur toute la ligne.