Adapté du sulfureux roman Tell me a lie, pour lequel Jan Jung ll fut condamné à six mois de prison ferme, Fantasmes ne se débine pas quant à la tâche qui lui est imposée : filmer crûment et le plus simplement possible une relation sexuelle qui vire au délire sadomasochiste. Résultat : le film fut censuré en Corée du Sud. Par une étrange et belle coïncidence, un autre long métrage coréen, Girls’ night out, qui aborde lui aussi la question du sexe sous un angle résolument déluré, sort cette semaine.
Point de discours énoncé comme chez son homologue dans Fantasmes, mais de l’action, et uniquement de l’action. Une lycéenne entend bien perdre à tout prix sa virginité avant le bac. Elle rencontre J, un homme plus âgé, qui va se charger de l’honorable tâche et en profiter pour l’initier à d’autres plaisirs plus délictueux. S’ensuit une relation passionnelle, principalement fondée sur de longues joutes sexuelles. A l’écran, l’histoire de ces deux amants qui se perdent dans la démesure de leur plaisir est filmée selon un dispositif des plus succincts. Plans fixes et plans-séquences décortiquent scrupuleusement les ébats selon une mise en scène qui tient plus de la description que de l’analyse. Jan Sun-Woo filme les corps de ses deux héros avec dépouillement sans se soucier de créer une quelconque atmosphère érotique. Les scènes se suivent et nous font entrer toujours un peu plus dans l’intimité des protagonistes : d’abord en tant que spectateurs, et finalement, en tant qu’actants d’une histoire dont nous n’avons de cesse de chercher la clé. Car le grand mérite de Fantasmes est de ne pas forcer le trait sur un sujet propice à la provocation facile. La simplicité descriptive du film le place plutôt au niveau de la simple chronique amoureuse, loin d’un sensationnalisme factice, et ne rend que plus troublante l’obsession du couple. Non dénué d’humour (voir les moments où les amants partent à la cueillette de bâtons dans les jardins publics…) et sous-tendu par quelques passages musicaux délirants (leur gymnastique avec en fond de la dance mâtinée de techno speedée), Fantasmes questionne discrètement la notion de désir et ses limites.