Alors que la télévision française diffuse depuis des décennies, durant les fêtes de fin d’année, le diptyque on ne peut plus mièvre Sissi / Angélique, la télé américaine fait preuve de plus de discernement en programmant chaque année son classique de Noël : La vie est belle. En choisissant Frank Capra au lieu du duo de tâcherons, Bernard Borderie et Ernst Marischka, les Américains font indubitablement preuve, au moins une fois par an, d’une plus grande cinéphilie que les Français. Mais l’amour du cinéma n’exclut aucunement l’esprit mercantile et puisque La vie est belle rassemble à chaque fois des millions de téléspectateurs, pourquoi ne pas en faire une version actualisée probablement capable d’en faire autant ?
Family man, sans en être un véritable remake, s’inspire donc largement du conte de Noël de Capra. Les deux films reposent sur le même principe : le fameux « et si ». Et si j’avais épousé la brune au lieu de la blonde, et si j’avais pris l’avion à la place du train, etc., que se serait-il passé ? Autant d’hypothèses invérifiables, à moins qu’intervienne un ange gardien pour vous montrer quelle aurait pu être votre existence si vous aviez fait d’autres choix. Jack Campbell (Nicolas Cage), lui, a préféré partir pour Londres où l’attendait une prestigieuse carrière de courtier en Bourse plutôt que de rester avec son amie Kate. Treize ans plus tard, il est devenu l’un des rois de Wall Street. Que se serait-il passé s’il était resté aux Etats-Unis et qu’aux courbes du Dow Jones il avait préféré celles de sa fiancée ? Une touche de fantastique et Jack se réveille dans un pavillon du New Jersey avec tous ses accessoires : une femme (la fameuse Kate), deux enfants, un chien et un boulot de vendeur chez « Big Ed » le roi du pneu.
Evidemment, le golden boy -une sorte de version yuppie du Scrooge d’Un chant de Noël de Charles Dickens- a du mal à s’adapter. Comment ne pas regretter les draps de soie de son appartement new-yorkais lorsqu’il s’agit de nettoyer les fesses tartinées de caca de son bébé ? Mais comme tout conte qui se respecte, Family man possède une morale : il vaut mieux faire partie d’une famille unie plutôt qu’être propriétaire d’une Ferrari rutilante… Ok, le bonheur ne s’achète pas avec des billets verts, mais était-il nécessaire de transformer la fable altruiste de Capra en hymne au bonheur pavillonnaire ? Avec un titre pareil il fallait s’y attendre, Family man ne pouvait être qu’une ode pesante aux joies simples de la famille. Une célébration des valeurs traditionnelles (à la limite du réactionnaire ; lorsque l’adultère est évoqué, c’est pour tout de suite être rejeté de manière véhémente) qui tombe à point nommé durant les fêtes de fin d’année. Tant qu’à faire, si l’on veut absolument retrouver l’esprit de Noël, préférez, de loin, l’intégrale du coffret Angélique, marquise des Anges.