Dernier épisode en date de la passion franco-française pour le drame d’entreprise, Fair play se fait fort d’en inventer la version sportive. Au programme, donc : même fond de petit commerce sentencieux, même diatribe minuscule sur la violence capitaliste, ici sur le mode thriller psy. Même cartographie niaise du même petit peuple : le patron salaud, le jeune loup, la secrétaire godiche, le bizut benêt vite dégraissé de ses idéaux -Jérémie Renier, forcément. Sauf qu’ici, on quitte le décor habituel du genre, ses bureaux moches et ses comités d’entreprise, et on aère tout ce petit monde en lui faisant faire du sport -attention, concept : les rapports de force en entreprise, c’est du sport, le fair-play en moins. Pas besoin de s’étendre sur la bêtise abyssale de l’argument ni sur la nullité de la mise en scène, qui atteint un sommet hilarant quand le film s’essaye, dans sa dernière demi-heure, à un remake de Délivrance en version sociologie du travail.
Le moins que l’on puisse dire, en tout cas, c’est que pour un film sur le monde du travail, ce Fair play est plutôt du genre paresseux. Au commencement il y a Squash, court métrage ringard qui organisait déjà la rencontre sportive de deux acteurs de téléfilms pour tartiner sur le harcèlement psychologique en entreprise. Pour passer au long, l’aspirant Baillu ne se foule pas puisqu’il commence par le refilmer in extenso, puis le clone en changeant le décor pour remplir sa copie (parcours de golf, jogging, stage de canyoning…). En choisissant de faire bourgeonner comme un cancer cette crotte conceptuelle, véritable maître étalon de l’idée la plus bête qu’on peut se faire d’un film court (celle qui triomphe à Clermont, où Squash remportait le prix du public), cette aberration, c’est son seul mérite, offre au moins de saisir la généalogie exacte du pire cinéma populaire à la française. Si intégralement nul que ça frôle l’expérimental (les séquences de canyoning qu’on croirait tournées dans une attraction d’un parc Walibi, la crise Actors’ Studio d’un Magimel rouquin et bedonnant), le film, pas très fair-play vis à vis de ses camarades, entame avec une nette longueur d’avance la course au titre de la sortie la plus grotesque de la rentrée.