Des personnages romanesques emportés par le vent de l’histoire, voilà la recette éprouvée de Régis Wargnier depuis Indochine (1991) et Une Femme française (1994).
L’époque change, l’icône également (après Catherine Deneuve et Emmanuelle Béart, c’est au tour de Sandrine Bonnaire de revêtir le costume de la femme forte, inébranlable), mais la trame est immuable. Cette fois le réalisateur a le mérite d’avoir choisi un chapitre peu connu de l’histoire de XXe siècle, celui du retour des russes blancs dans leur pays natal, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans une volonté de reconstruction et de réconciliation nationales, ces anciens ennemis de l’URSS furent amnistiés et accueillis à bras ouverts par Staline en 1946. Alexeï Golovine (Oleg Menchikov), médecin émigré en France, décide de profiter de cette opportunité pour retourner dans son pays avec sa femme française, Marie (Sandrine Bonnaire), et leur fils Serioja. Mais l’opération se révèle être un piège et grand nombre de russes blancs sont abattus ou envoyés en camps de travail. Seule sa formation de médecin permettra à Alexeï et sa famille d’être épargnés. Alors qu’Alexeï semble s’accommoder de la situation, Marie ne cessera de se battre pour pouvoir revenir en France.
D’un point de vue purement factuel, historique, le film aurait pu présenter un certain intérêt, mais Régis Wargnier ne tire aucun parti de ce moment de l’histoire. Celui-ci n’est qu’un cadre, un écrin luxueux et coûteux au service de l’exaltation du courage féminin, de la volonté individuelle faisant face à l’histoire des masses. Dès lors, le film se réduit à une lourde reconstruction historique où chaque scène est prétexte à montrer la cruauté du régime soviétique afin de mieux louer le courage de Marie. Cela ne suffit pas au réalisateur, qui enfonce le clou en utilisant de lourdes métaphores plus transparentes les unes que les autres. La meilleure est sans doute une phrase prononcée par Sandrine Bonnaire lorsqu’elle entraîne Sacha, un jeune nageur qui veut l’aider à passer à l’Ouest. « Tu vas nager mieux que les autres parce que tu vas te battre contre le courant », phrase immédiatement suivie d’un interminable travelling latéral censé souligner le courage, la volonté du jeune nageur qui se débat dans l’eau glacée. Tout cela fleure bon le cinéma de papa, un cinéma académique, pompier, aux soi-disant envolées lyriques. Le fameux vent de l’histoire se réduit chez Régis Wargnier à un pénible souffle d’asthmatique.