Après le très prétentieux Mauvaise passe, tentative de retour à une certaine légèreté pour Michel Blanc, avec cette comédie vacancière lorgnant sur 15 août autant que sur Liberté-Oléron de Podalydès. Le film suit le récit croisé d’une multitude de couples amis en vacances sur la Côte Atlantique. Chaque couple représente une classe sociale, des bourgeois Rampling / Dutronc aux beaufs sympathiques Podalydès / Karin Viard. Le problème, avec ce genre de film, c’est qu’il ne peut s’empêcher de verser dans une tentative de panel sociologique confinant très vite à la caricature : on rit parfois beaucoup à sa vision, mais on ne le prend absolument pas au sérieux. Or Michel Blanc se veut un cinéaste sérieux , c’est une certitude : l’étiquette Woody Allen français collée sur son front, il double son burlesque crispé de velléités artistiques assez pompières (chef-opérateur britannique, image toujours tirée à quatre épingles, dialogues ciselés), plombant toute légèreté au profit de la posture et du geste.
Le musée de grands acteurs est une autre composante du style Blanc : pas question ici de jouer sur le risque ou l’aléatoire, il faut le top et tout de suite, sorte d’assurance contre l’échec. Embrassez qui vous voudrez propose un casting hallucinant, ce qui lui nuit beaucoup : chaque acteur est mis sur les rails de son rôle habituel, donnant au film l’impression d’être un vaste fourre-tout opportuniste de tout ce que le cinéma français des dix dernières années a proposé avant lui. L’aspect film d’artificier de ce long métrage (une mise en place ample et chorale suivie d’une résolution en feu d’artifice) est à des années lumières du Va savoir de Jacques Rivette, qui s’articulait sur des dispositifs similaires. Blanc est probablement sincère dans sa volonté de faire du « beau cinéma d’auteur populaire », mais le manque de finesse de son approche d’un genre qu’il a contribué à enrichir en tant que comédien est éprouvant. L’abus de chichis et la complaisance pour le milieu petit-bourgeois qu’il décrit empêche tout sentiment de liberté de naître. Le film a tout d’un fantasme de quinquagénaire coincé, empilant les clichés sexuels à la vitesse grand V (Lou Doillon la nympho délurée, Dutronc le pervers raffiné, Blanc le jaloux malade) sans jamais perdre de vue son idéal très plan-plan : chacun repart, à la fin, comme si rien ne s’était passé, conforté dans la place que tout le film s’est efforcé de lui enlever. Il n’est pas interdit d’appeler ça du vol.