Elle et lui au 14e étage est un film antipathique. Et pourtant, malgré son canevas ultra-classique (le récit d’une rupture amoureuse), le projet avait de quoi susciter notre indulgence : un premier essai en noir et blanc, une artiste cumulant les fonctions (Sophie Blondy, devant et derrière la caméra), une volonté sincère de montrer des images extra-parisiennes –Elle et lui… se déroule en effet dans la belle ville d’Amiens.
Ce potentiel engageant s’érode irrésistiblement dès l’entrée en scène de notre Sophie Blondasse (rebaptisée Babeth pour les besoins de la fiction) au physique de jeune première défraîchie (on sent que la quarantaine n’est pas loin). Elle se réinvente à la fois muse et utopiste, fille et femme, amie fidèle et amante désabusée. Ainsi, le scénario et a fortiori le monde ne tournent qu’autour de son personnage, détestable modèle d’arrogance assumée. Blondasse s’aime à mourir : elle fait craquer tous les mecs, réussit ses quiches lorraines comme personne, se gargarise de sa philosophie pompée sur un vieux Biba (« Avant de rencontrer l’homme de sa vie, il faut devenir la femme de sa propre vie » : wouah !), tout en imaginant sans doute que sa sinistrose engendre de la cinégénie. Eh ouais ! Blondasse a beau être géniale, elle est quand même malheureuse. La raison majeure de son blues réside dans la déliquescence de son couple. Rémi, son fiancé, se renferme de plus en plus sur lui-même et sur sa peinture (on le comprend) tandis que Blondasse, en dépit de son chômage, s’éclate comme elle peut avec ses potes théâtreux.
L’indéniable narcissisme à l’œuvre dans Elle et lui… ne trouve de contrepoint ni dans l’entourage de la protagoniste (qui, à force de s’admirer, semble avoir perdu tout désir de filmer ses comédiens) ni dans la mise en scène. Quelques jolies vues plongeantes sur Amiens ne suffisent pas à circonscrire ce petit monde dans un lieu attachant ou simplement vivant. De toute manière, la plupart des images sont plombées par des dialogues et situations artificiels, fragments de l’opération monopole manigancée par l’auteur. Au 14e étage ou ailleurs, il n’y a qu’ »elle », puisque les autres ont pour unique mission de la mettre en valeur. Manque de chance, c’est plutôt raté…