Eldorado est un film cuit sur le barbecue d’une aire d’autoroute, entre routiers sympas et restau-grill vide. Sauf que là il y a peu d’autoroutes, certes, et davantage de départementales chouettement paysagées, mais vous sentez l’ambiance : celle d’une atmosphère d’outre-Quiévrain, où se respire la fumée des baraques à frites et de la bière en canettes. Du moins c’est ainsi que le cinéma belge ou apparenté (ses ramifications grolandaises) se vend, et avec un certain succès. On n’est jamais surpris, dans Eldorado, jamais surpris par un ton, par un rythme ou une écriture, encore moins par une envie de quitter les rivages d’un double parrainage Kaurismäko / Poelvoordien – le premier mal digéré, le second acharné – dont visiblement, peu de films-belges-sympas désirent s’écarter. C’est dommage.
Bouli Lanners joue un type, Yvan, qui surprend chez lui un cambrioleur nul, maladroit et trouillard. Limite demeuré, le voleur n’a en plus pas de voiture pour rentrer chez lui. Alors Yvan dans un soupir accepte de le ramener chez ses parents dans sa Chevrolet, et finit par traverser toute la Belgique. Road movie. Les deux personnages qui sympathisent. De l’émotion arrive, avec en toile de fond un vrai sujet dramatique, la toxicomanie. La rencontre avec la maman triste vaut pour séquence tire-larmes. Avec l’écriture volontiers molle de Bouli Lanners et la distribution plate des effets (rigolade, émotion vraie, effet planant de la route), le film s’effiloche. Il faut quand même sauver deux choses. D’une part une vraie idée de mise en scène : le décalage complet entre le décor type de ce type de cinéma (garages, camping sauvage, intérieurs miteux) et une délocalisation fantasmatique vers les grands espaces américains. Une grandeur aventureuse s’infiltre dans l’ambiance wallonne à travers les voitures (Yvan est plus ou moins receleur de bagnoles américaines des années 70, 80), puisqu’aux carrefours ne se croisent que Chevrolet et Cadillac, et les paysages, beaucoup de forêt qui apportent un petit vent canadien. D’autre part et surtout il faut tirer du marasme quelques scènes de pure comédie vraiment réussies, deux ou trois séquences hilarantes, d’une totale absurdité, où le ton raplapla, cette fois, sert complètement la mise en scène. S’il ne tient pas la cadence, Eldorado est à deux doigts d’emporter le morceau par ces scènes qu’on n’oublie pas comme ça.