Découvert au Festival de Berlin en 2006, ce deuxième long métrage de Julian Hernandez est plutôt une bonne nouvelle en provenance du Mexique, dans la lignée d’une poignée d’autres films qui ont égrené les festivals internationaux ces dernières années. Toutefois, après les semi déceptions des nouvelles vagues argentines et allemandes, il faut se garder d’en déduire à l’avènement d’une nouvelle vague mexicaine. Précisément, El Cielo divido est une demi réussite, même si on a d’emblée plutôt envie de le défendre : pas si courants, en effet, les jeunes réalisateurs qui se collètent à une forme, tentent, au risque de la vitrification, de sortir de l’ornière naturaliste pour plonger dans les vertiges de l’artifice. El Cielo divido est de ceux-là. L’histoire ? Une idylle entre deux jeunes garçons, idylle qui s’effondre d’un coup et laisse l’autre à sa descente aux enfers. En fait de deux, il y a d’ailleurs trois garçons…
Tout ici n’est qu’infinie répétition du même. Gestes tendres, regards énamourés, déplacements de félin têtu, le film avance au gré de ces volutes obsessionnelles et finit par construire une sorte de labyrinthe proustien où les sens sont prisonniers de leur première fois. Toute proportion gardée, on n’est pas si loin de In the mood for love, au moins pour la façon dont les garçons se frôlent, dont ils réitèrent les mêmes gestes, où encore pour cette manière qu’a le réalisateur de les faire traverser les espaces pour le seul plaisir de les regarder se déplacer. Quelque chose rappelle la geste wongkarwaienne et ses sublimes artifices, le délirant fétichisme du maître hong-kongais en moins. De même le léger sous-texte politique sur la lutte des classes (sans que cela soit jamais vraiment dit, on peut tout de même sentir que l’un des trois protagoniste appartient à la bourgeoisie, les deux autres au prolétariat) rappelle, à un degré moindre là aussi, les usages politiques subtiles employés par Wong Kar-wai dans Happy together. Pourtant, El Cielo divido ne tient pas toutes ses promesses et la beauté de la première heure s’évapore lentement sans qu’on sache vraiment à quoi cela tient, sinon au fait que le film ne se réinvente jamais en cours de route.
Sans doute la répétition du même demande-t-elle, comme en musique sérielle, d’infimes variations pour aller vers son devenir, vers la possible sortie d’un motif. Elles manquent à ce « ciel déchiré », si bien que ce qui était d’abord une qualité se mue peu à peu en complaisance esthétique. D’abord délicat et cotonneux, pure entreprise de fascination, le film devient un peu chichiteux et formaliste et rompt le charme qui opérait jusque-là. Il n’empêche, la réussite de la première moitié donne envie de s’intéresser à l’avenir de ce réalisateur. On ne peut pas en dire autant de bien de jeunes cinéastes parfois trop rapidement estampillés « auteurs ».