Drame dans le cinéma français : à peine sortis de l’oeuf, les premiers films des jeunes sont déjà grabataires. Mais il faut dire que Stéphane Guérin-Tillé, comédien jusqu’à présent et passé par le court métrage, n’a pas forcé sur le Viagra : convocation de la vieille garde (Noiret, Berléand, tous deux dans un sinistre numéro) + scénario tout fripé certifié eighties, prétexte à mille saillies ronflantes et revenues de tout. Déjà, ça commence très mal, par une scène pourtant voulue mortelle. Berléand, qu’on sent flapi avant que le film commence, roule l’air sombre jusqu’à une carrière, sort un quidam en larmes du coffre de sa voiture et, le tenant en joue, lui demande de creuser ce qui semble être sa tombe. Tout juste si l’on ne nous ressort pas la division du monde entre ceux qui creusent et ceux qui tiennent le revolver. L’ennui, c’est que l’acteur jouant le malheureux condamné chouinant est complètement nul, avec ses yeux sans larmes, on y croit pas une seconde et ça fout en l’air la scène, de toute façon pas brillante au départ. Et puisqu’on est au rayon naze, on y reste : entourloupe de gros malin, il ne s’agit pas d’un meurtre, mais d’une tentative de suicide du héros, Berléand. C’est raté (c’est quand même le quidam qui trinque), et le film d’emblée se prend les pieds dans le tapis.
La suite est à l’unisson. Mais attention, c’est du cinéma. Alors collier de plans sur Berléand traînant sa misère sans piper mot, musique jazz, yeah. Qu’un premier film ait si peu à proposer, et qu’il exécute si mal son programme périmé, voilà qui fait peur. D’autant qu’à sa médiocrité il ajoute abominable scénario rêvé cynique, mais au fond pas plus neuf que Les Ripoux. Berléand est un assureur crapuleux mais dépressif qui donne un coup de main à ses clients pour leur faire toucher l’assurance-vie de leur conjoint. En proie au doute, il reçoit l’aide de son mentor, Noiret, pour le tirer de ce mauvais pas (le cadavre dans la carrière).
Le pire est là : collision moisie entre film noir crapoteux, humour de bas-étage et cinéaste wannabe auteur avant l’âge. Cela donne un cinéma franchouillard à l’imaginaire pauvre (la défense du petit commerce comme horizon politique se renifle partout à la ronde), et des modèles croupis passés en salle de réanimation. Les dialogues, tiens. Guérin-Tillé se rêve en héritier d’Audiard, alors toute l’écriture du film est au pas de cette référence décrépite. Exemple : un macchabée à faire disparaître, et Noiret s’envole pour une série de synonymes argotiques pour dire cercueil, pour dire cadavre. Nulle nécessité à cela, mais un stock de répliques chouravées dans le bloc-notes d’André Pouce à écouler à tout prix. Rien à sauver, vraiment, surtout quand la mise en scène se pique d’originalité à travers quelques giclées d’idées de ouf, parmi lesquelles la séquence déjà mythique du split-screen le plus inutile de l’histoire du cinéma : 5 minutes sur Berléand et Noiret conversant pépère à l’avant d’une vieille bagnole. Ineptie qui dit bien où en est le film : dans une paire de savates qu’il prend pour les bottes de sept lieues.