Un mois après le gentil A la recherche du bonheur, fable Capra’s touch où Will Smith flottait avec une certaine élégance dans le grand bain du mythe jeffersonien, Hollywood n’a toujours pas ressorti le nez de ses vieux cahiers d’éducation civique. Sauf qu’ici on change de chapitre : après le rêve américain, direction le melting pot, mais toujours « based on a true story ». Histoire vraie d’une jeune prof idéaliste (papa oeuvrait pour les Droits Civiques), campée par Hillary Swank (bien, sans plus) qui choisit son premier poste dans un lycée de L.A. chaud bouillant après les émeutes de 92. Lesquelles émeutes, on s’en souvient, avaient certes à voir avec le tabassage de Rodney King, mais plus encore avec les tensions raciales nées de l’arrivée en masse de populations hispaniques et coréennes dans un quartier majoritairement afro.
Aux commandes de ce spin-off très sérieux d’Esprits rebelles, la jolie Hillary retrousse les manches, non pour mater les sauvageons (remember Samuel Jackson dans 187 code meurtre), mais bien pour leur chanter, exégèse de Tupac à l’appui, les vertus croisées de la littérature et du respect de l’autre. Option Ségo plus que Sarko, ici, puisque l’apprentie se farcit deux petits boulots en plus des heures de cours pour payer des bouquins tout neufs aux galopins. Et la démarche paye : après une lecture benoîte du journal d’Anne Frank (sic) et une visite guidée au musée de la déportation, les latinos commencent à tolérer les renois, qui eux-mêmes revoient leur jugement quant à la discographie de Cypress Hill. C’est chouette. Tellement chouette qu’on a pas vraiment le cœur à en dire du mal, le film étant ce qu’il est, rien de plus que le gentil et convenable déroulé de son cahier des charges. On peut même goûter sa tentative d’archiver quelque chose des nineties (merci la B.O., de Gangstarr à Naughty By Nature), décennie si loin si proche que le film, en marge de sa stricte fonction politique, réanime en se coltinant ce qui fut un micro-genre de l’époque (les films déjà cités et bien d’autres, dont les deux Gus Van Sant). Décalage charmant à l’heure où ce sont plutôt les eighties que le cinéma américain explore goulûment -on y revient dans Chronic’art #34 (en kiosque le 30 mars 2007). Et puis, gros avantage sur Esprits rebelles, Ecrire pour exister est garanti 100% sans Coolio, ce qui est déjà beaucoup.