Drôle d’évolution pour Philippe Le Guay, cinéaste culte (Trois huit) passé à la grosse comédie deluxe avec Le Coût de la vie. Si ce dernier déçoit, Du jour au lendemain advient comme un joli coup pour redorer le blason de l’auteur. S’il ne décroche pas encore le jackpot, le cinéaste ouvre ici une piste intéressante : un étrange télescopage entre comique froid type Harel et fantaisie à la Harold Ramis. Le scénario suit la trajectoire d’un loser paumé (Poelvoorde) qui, par un mystérieux coup de pouce du destin, voit la win lui coller subitement à la peau. On a certes connu plus original, mais un tel pitch donne à Le Guay l’occasion de bonifier l’expérience acquise sur Le Coût de la vie.
Quelle expérience ? Celle d’une subtile alchimie trouvée entre machinerie burlesque (Poelvoorde se lève le matin, tout foire / le lendemain : tout lui réussit) et petit panel humain tout en nuances et cocasserie échevelée. C’est sur ce second point que le film emporte le morceau, alors même que la mécanique du genre emportait tout sur son passage dans le trop systématique Coût de la vie (une sorte de cinéma en kit trop compartimenté). Ici au contraire, les rouages de la fantaisie ramissienne -soit le monde comme petit théâtre grisou propice à s’enchanter à la moindre occasion- ne bouchent à aucun instant l’horizon finalement très réaliste du film (la description très fine d’un quotidien de labeur assez proche de celle de Trois huit dans sa façon de s’imposer sans aucun forçage).
Bien sûr, le roi Poelvoorde n’est pas pour rien dans ce tour de force mineur, mais il n’empêche : ne pas réduire le film en simple support à la parade burlesque vue mille fois ailleurs de l’acteur (les fameux Poelvoorde films de la période Portes de la gloire) tient de la gageure. Que Le Guay, pris dans le petit confort de la comédie bourgeoise française type, parvienne à retrouver la force d’observation et le sens de la nuance de ses premiers films est une promesse. Pas toujours drôle, souvent laborieux, le film porte en lui l’humanité de son auteur, et avance finalement sans trop de résistance dans les méandres de son scénario cousu de fil blanc. En ressort un parfum sympathique, où la légèreté dissimule une gravité jamais pontifiante. Du jour en lendemain est donc un film à demi-réussi, mais rare et précieux comme peut l’être, dans le strict cadre d’un naturalisme capable de basculer dans les profondeurs du rêve (ici) ou du cauchemar (Trois huit), son auteur : un admirable discret.