Mougler et ses amis s’essaient au rap, vivent de petites combines et de quelques larcins. Mauvais à l’école, ils souffrent d’un environnement familial difficile (mère malade, père absent…) et tentent alors de s’épanouir dans la rue. Au vu d’un tel tableau, potentiellement crédible mais sans grande originalité, il faut un sacré talent pour que la marge de création s’avère sans limites. D’où l’idée d’y greffer un subplot pour le moins astucieux.
Dôlé est en fait le nom d’un nouveau jeu à gratter qui fait son apparition à Libreville, la capitale du Gabon. Symbole de l’argent facile et par là même d’une certaine déstructuration culturelle, il représente toutefois pour tous les personnages du film, l’espoir d’un avenir meilleur. Si Dôlé, le film, est avant tout -rappelons-le- le portrait ni misérabiliste, ni glorieux de jeunes désœuvrés de l’Afrique contemporaine, il est aussi par conséquent la critique un brin ironique de la mondialisation. En entreprenant de faire le casse du guichet qui récupère les recettes du jeu, les gamins du film vont tout simplement s’affronter, sans le savoir, à cette nouvelle réalité. Celle que le philosophe Serge Latouche nomme « la planète uniforme » (éd. Climats, 2000) et qu’il définit ainsi : « l’occidentalisation est d’abord une gigantesque mise en scène économique mondiale, même si le résultat le plus spectaculaire est l’uniformisation des modes et des modèles plus que l’obtention de véritables moyens de s’y conformer ». Dans la scène où la télévision vient orchestrer un spectacle public en l’honneur du premier gagnant du Dôlé, le réalisateur Imunga Ivanga se met pour une fois à la hauteur de l’enjeu de son sujet mais, hélas, démissionne la plupart du temps. Car sa mise en scène n’embrasse jamais la confrontation entre les hommes et la machine sociale.
C’est pourquoi on peut regretter que Dôlé reste tiraillé entre la volonté évidente d’être un sympathique film pour enfants, ou préadolescents (le film a reçu le prix spécial du jury de Cannes junior 2000), et l’ambition manifeste de séduire les adultes. Pour toutes ces raisons et celles évoquées plus haut, le film s’égare dans trop de directions et l’on finit par ne plus pouvoir discerner ce qui relève de l’hétéroclite ou de la bâtardise. Dommage.