Dès les premières images, on sait : Divorces, c’est pas du cinéma. Succession de portes qui s’ouvrent et se claquent, de faux décors, de grimaces, d’excès, et de répliques tacatacatac propres à faire rire le public de Don Camillo après trois culs secs de rouge. Voilà, le quatrième long métrage de Valérie Guignabodet, c’est du café théâtre filmé, il suffit juste de le savoir. On ne se prendra pas ainsi à le juger sur la même échelle de valeurs que les films de la semaine, mais sur un escabeau, en blouse et chiffon à la main.
Le sujet ? Le divorce « du XXIe siècle » dixit la brochure de presse. Mais traité comme dans les eighties d’un Claude Zidi. Deux avocats mariés divorcent les autres ; jusqu’au jour d’adultère où leur couple part en sucette à son tour. Crise, valise dans la gueule, séparation à la tronçonneuse, enfants coupés en deux… La morale verse dans le dicton gaulois, entre « ça n’arrive pas qu’aux autres » et « les cordonniers sont les plus mal chaussés ». Il y a ici une envie de fable sociale, liant par un fil la réalité du divorce (touchant un couple sur deux en France), terrienne et dramatique, à un traitement très haut perché. Nos personnages flottent mou au vent de l’histoire, gros ballons de baudruche, pour s’éclater par le cri et la gesticulation. Cette comédie n’échappe pas à la malédiction du genre français : pour faire drôle, il faut faire fort. Mettre le volume à fond, laisser vociférer non stop le mari blessé (Gérard Jugnot, sort de ce corps) à en faire trembler les baffles et nos oreilles, comme pour mieux nous faire oublier l’indigence du reste.
C’est un film next door, diront certains. Banal et simple comme notre propre vie. Jouant la proximité en forme de clin d’oeil, la connivence fifille promise par les journaux féminins. Sauf qu’ici comme souvent (chez Noémie Lvovsky, Marion Vernoux, Julie Lopes-Curval…, la liste est longue), la proximité s’impose par défaut : elle est dictée par la difficulté à réunir les ronds pour produire et tourner. A chaque plan, on mesure l’effort et les économies, on devine le budget de l’accessoiriste ou la pression exercée sur les monteurs pour finir dans les temps. On aimerait oublier, s’oublier, et le spectacle besogneux nous maintient dans un état de veille critique. Mis à distance par tant de cheap, on n’est déjà plus là pour savourer le jeu sensible de Pascale Arbillot ou même détester les vannes qui sentent un mélange d’encre trop fraîche et de Jean Roucas (l’esthéticienne : « Le bonheur, c’est simple comme un ticket de métro » ou l’effarant tunnel comique jouant sur le double sens du mot « Ramoner »). A la faveur du temps de film qui passe et de l’habitude au pire, on se détache, on finit par quitter ce qu’on voit pour une somnolente indifférence. Et le film, pris à son propre ennui, nous quitte aussi. Un divorce, donc. Par consentement mutuel.