La cohabitation improbable d’un planteur d’arbres mongol et de deux exilés nord-coréens (une femme et son enfant) dans un no man’s land entre la Chine et la Mongolie. Si le pitch minimal et peu évocateur ne fait pas forcément rêver les foules, Desert dream déjoue bien des pièges et se révèle un objet étrange. Film de la frontière, il en tire des rencontres incongrues et une tonalité agréablement décadrée.
D’abord, qu’on se rassure, la tentation contemplative version Urga est balayée. Le sublime paysage des steppes, regardé à bonne hauteur, apparaît sous la caméra de Zhang Lu comme une réserve fictionnelle et non un dépliant touristique. De ces plaines lunaires, vertes et jaunes surgissent des apparitions déplacées : une femme et son petit garçon, un convoi de tanks en pleine nuit, une silhouette nue. Mais l’onirisme s’en tient à quelques plans d’autant plus efficaces et troublants qu’ils sont isolés. Une stupeur somnolente et muette maintient Desert dream dans une économie minimaliste parfois comique. Ses personnages ahuris qui s’observent comme des bêtes curieuses y sont pour beaucoup. La jeune coréenne (Suh Jung, introvertie très convaincante) en tennis blancs ne déroge pas à sa raideur mutique totalement iraccordable avec ce qui l’entoure. Le cinéaste généralise cette distance étonnée et frontale, décuplant avec humour l’étrangeté de ce qu’il filme, comme ce chant soudain du soldat tout en borborygmes abdominaux.
Malheureusement, avec le temps (2h08), cette légèreté en prend un coup. Les petites scènes s’étirent et entrent dans un réseau de répétitions appauvrissant : les tanks repassent, les gestes se dédoublent. Bref, le quotidien et le récit de l’apprentissage remplacent l’originalité d’événements solitaires. Un mouvement de retour amorce l’ensablement du film. Plus de concision aurait davantage servi ce conte flottant.