C’est pas qu’on attendait beaucoup de ce nanar estival tardif, ni du tâcheron aux commandes, mais quand même, on s’était sentis légèrement émoustillés à la lecture du pitch, énorme : Samuel L. Jackson, agent supercool, escorte à bord d’un avion de ligne un témoin gênant pour les bad guys d’une mafia hawaïenne, mais la dite-mafia a truffé le coucou de serpents exotiques défoncés aux phéromones. Décidément trop emballés, on le fantasmait presque en méta-nanar, avec son argument crossover accouplant des micro-genres (catastrophe aérienne + serpents), et le recrutement judicieux de Samuel Jackson, l’acteur le plus reptilien d’Hollywood. Au final, le film de David R.Ellis (réalisateur de deuxième équipe sur Matrix reloaded et responsable de Destination finale 2), comme lesté par l’efficacité absolue de ses effets d’annonce, s’avère incapable de décoller. Tiré vers le bas d’un bout à l’autre par une mise en scène en pilote automatique, il semble même s’acharner à ne strictement rien tirer de son joli potentiel. Ainsi, par exemple, de son impuissance à tirer parti de sa mocheté, ou, malgré son sujet, à générer du second degré autrement que vulgaire et tristement potache. Voyage en classe éco et sous lexo, donc, malgré un matériau first classe, ce Snakes on a plane ne parvient même pas à être la chouette attraction foraine qu’on espérait dans nos prévisions les plus basses.
Le plus troublant dans cette impuissance à tenir ses promesses est que, finalement, le film lui-même semble n’être qu’un épiphénomène du fantasme délirant que sa production avait fait enfler sur le Net. « Enough is enough ! I have had it with these muthafuckin’ snakes on this muthafuckin’ plane ! ». Tout est là, dans une catchphrase tardive, aux deux tiers du film. Tout, c’est à dire l’épicentre de son intérêt microscopique : Samuel Leroy Jackson, machine à gimmicks funky, nabab du cool, dont le groove impeccable réussira toujours à justifier les quelques aberrations où il lui arrive de se compromettre. Mais tout, c’est-à-dire surtout le singulier destin marketing d’un film consacré bien avant sa sortie produit 100% geek, puisque la réplique n’est pas due au scénariste, ni à SLJ lui-même, mais à une des très nombreuses parodies anticipatrices que l’annonce du projet avait générées sur le Web. Six mois avant la sortie en salles, les producteurs, abasourdis par l’engouement prématuré suscité chez les internautes par le seul titre du film, décident de retourner des scènes en fonction des desiderata de cette base de fans précoces (en gros : la fameuse réplique, et un chapelet de séquences d’un sadisme absolu pour les figurants qui ont valu au film de passer de la cote PG-13 au classement X). Série B bâclée, gros gâchis, Des Serpents dans l’avion devrait donc surtout marquer l’histoire de l’entertainment comme le premier film open source de l’ère numérique. Pas très rassurant.