Dérapages risque de ne contenter que les fans zélés d’Urgences, dont le film de Scott Ziehl constitue en quelque sorte une hypothèse de prequel, répondant à la question éminemment passionnante : « Que se passe-t-il avant que les blessés n’arrivent au service du docteur Ross and Co ? » Eh bien, ils sont pris en charge par des ambulanciers, en l’occurrence Tom (Jason London) et Jimmy (Todd Field). Le premier vient de débarquer à L.A., bien décidé à tirer un trait sur son passé mystérieux, tandis que son acolyte est un vétéran des « premiers secours » doublé d’un adepte de l’autodestruction. Du coup, le sage et timide Tom se met à déjanter grave au contact de son partenaire. Tout en assurant un boulot de dingue (accidents de la route, bastons en tous genres, dangereux flippés), nos deux héros trouvent le temps de baiser de bonnes salopes, de boire comme des trous et de se droguer avec tout ce qui leur passe par la main. Mais ces excès les mèneront, bien entendu, à leur perte…
Déchéance + rédemption = schéma classique dont seuls les génies (Ferrara, Lynch) parviennent à se tirer sans nous casser les burnes. Scott Ziehl, lui, se contente du minimum syndical : les quelques effets nocturnes (vitesse du trafic, échappées d’un imaginaire sous stupéfiants, clinquance du stupre) succèdent ainsi à la violence quotidienne à laquelle sont soumis les personnages (panel presque banal de corps ensanglantés, de morts innocents et de shootés plus paumés les uns que les autres). Le reste du film cherche à rendre l’ensemble un tant soit peu original, mais toutes ces séquences « périphériques » renvoient à une vision plate et contrôlée de la désespérance urbaine (la voisine tarée, l’amour impossible entre Tom et Elizabeth, le grand-père toxico de Jimmy). Sans faire preuve de personnalité, le cinéaste trace un énième tableau alarmiste de l’Amérique contemporaine, mais les images ne sont jamais assez fortes pour élever le propos au-delà du déjà vu, déjà entendu, déjà oublié.