Delirious est peut-être un film mineur, mais peut-être aussi l’une des belles surprises de l’été. Un SDF rencontre un paparazzi frustré qui le prend sous son aile, puis découvre l’amour en la personne d’une pop star, entravant les plans dudit paparazzi. Dit comme ça, le film semble sinon improbable, du moins édifiant. Ce qu’il n’est évidemment pas. La réussite de Delirious tient essentiellement à la qualité de regard de DiCillo sur ses personnages, à cette manière qu’il a par exemple de faire de légers mouvements de caméra afin de resserrer son cadre sur son jeune héros, comme dans un pur geste d’affection. Tout dans le film – et ce, même s’il semble parfois réalisé à l’emporte pièce – converge vers cet attachement indéfectible aux personnages, qu’ils soient paparazzi névrosé, pop star un peu nunuche, loser ou winner, égoïste solitaire ou amoureux idéaliste.
Ce principe d’égalité questionné d’ailleurs à l’intérieur même du film (« on est tous égaux », dit Steve Buscemi avec toute l’amertume du raté) renvoie assez finement au conflit existant entre un idéal démocratique et les inégalités flagrantes qui séparent les êtres – mais un SDF peut néanmoins ici accéder au rang de star, ceci ajoutant à la complexité de ce monde inégalitaire. DiCillo, tout en étant un observateur lucide de cet univers cruel, n’en est pas moins un idéaliste qui donne sa chance absolument à tous les personnages. On est loin par exemple d’une Sofia Coppola qui, dans Lost in translation portait sur ceux qui ne lui ressemblaient pas un regard dédaigneux. Mais si le regard de DiCillo s’attache à tous, il n’est pas pour autant dupe, comme en témoigne le happy end qui entérine assez subtilement, tout à la fois par le scénario (la situation) et par la mise en scène, le fait que les deux amis ne font désormais plus partie du même régime d’image (comme on dit) et qu’en dépit de leur attachement ils sont irrémédiablement séparés. Film mineur peut-être, mais beau film.