Si les productions Marvel se suivent en faisant semblant de ne pas se ressembler, des deux côtés de l’écran l’effet de saturation, lui, commence franchement à se faire sentir : le temps de la découverte et des première fois loin derrière nous, que reste-t-il à attendre des super héros ? Plus grand chose d’après Deadpool qui, avec son personnage d’incorrigible gogol, se présente délibérément comme un défouloir. L’occasion, pour l’écurie de surhommes, de se décoincer momentanément et de faire passer ses humeurs cyniques, qui débordent depuis que la franchise multiplie les déclinaisons et sous produits désincarnés.

Comprimés par le formatage, les studios lâchent ainsi du lest et laissent s’échapper cette farce parodique et lubrique, éprouvant par la caricature les lignes bien pensantes du genre — ses considérations sur la responsabilité, l’ingérence ou le vivre-ensemble. À ce titre, le film aurait pu ressembler à ces séminaires d’entreprise où tout le monde se bourre la gueule en attendant de reprendre les choses sérieuses le lundi matin (prochaines sorties : Captain America — Civil War, Doctor Strange, etc.). Sauf que les moguls ne sont pas fous et protègent quand même leurs étalons, à bonne distance des postillons salaces de leur vilain petit canard Rated R (on n’y croise guère que deux X Men inconnus et un bad guy de production Besson).

En vérité, Deadpool ne fait que répondre à un cynisme par un autre, change de cible mais pas de plan marketing. Le principal problème étant que, croyant s’immuniser contre une de ses tares, la franchise se corrompt sur toutes les lignes, comme son personnage ravagé de l’intérieur par le cancer survit au prix d’une putréfaction totale de son épiderme. D’ailleurs, ce pouvoir d’immunité — qui lui permet de se démembrer à tout va et de foncer dans la castagne sans se soucier de rien— , c’est aussi l’illusion dans laquelle s’enferme la mise en scène de Tim Miller, qui s’imagine invincible avec son humour méta et nihiliste.

Or, faute de parvenir à se détacher de son protocole récréatif, Deadpool s’étale sur tout le corps sa petite boue transgressive (des blagues de cul, de l’homophobie, du “fuck”, de la violence gélatineuse) en rêvant que ça le rendra infréquentable ou irrésistible, mais désespère dans son incapacité à élever (ou véritablement envoyer au fond du trou) le débat. D’autant que cet humour fait de clins d’oeil stroboscopiques et d’apostrophes appuyées n’est pas très neuf et se ringardise presque aussitôt : il rendait déjà insupportable le 22 Jump Street du tandem Phil Lord et Christopher Miller, autre numéro de sabordage pop en roue libre, vomissant et ravalant ses punchlines jusqu’à plus soif.

Un volontarisme débridé qui se voudrait généreux mais se révèle en vérité contreproductif, puisqu’en cherchant à rendre complice leur spectateur, ces films finissent inévitablement par rigoler et jouir à leur place. On ne va pas faire semblant d’être déçu, mais on se dit que le film, sous l’hystérie potache et le trash en papier mâché, passe quand même à côte d’une histoire à moitié chouette (et bien conformiste au demeurant) : celle d’un ancien godelureaux devenu grand brûlé, qui dessoude la bienséance héroïque dans l’unique espoir de reconquérir le cœur de sa girlfriend.

22 COMMENTAIRES

  1. Ah merci pour le fou rire, je suis presque sûr que t’es le genre de personne à cracher sur un film sans l’avoir vu, en gros, t’es un peu une sorte de BHL sans la chemise blanche…

  2. Ah merci pour le fou rire, je suis presque sûr que t’es le genre de personne à cracher sur un film sans l’avoir vu, en gros, t’es un peu une sorte de BHL sans la chemise blanche…

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