La trilogie Dead or alive a beau vouloir passer pour une lanterne resplendissante, elle n’est qu’une grosse vessie. Objet fétichiste spécialement conçu pour bobos frimeurs, la saga de l’hyperactif Takashi Miike (44 ans, 60 films) se love dans une roublardise vaniteuse pour ne sortir au final qu’un son faiblard et médiocre. Confrontation flic borderline, yakusa au grand coeur, DO1 voudrait dépasser le néo-polar. En vain. Histoire d’amitié de deux orphelins gangsters, DO2 repose sur des fondements sous-Kitaniens. Variation sur Blade Runner, DOA3 s’habille de SF cheap. D’emblée condamnés à la désinvolture chic et toc, ces trois crispants robinets d’images décharnés et pompeux (trois temps, trois genres, trois bras d’honneur aux producteurs) ne déversent qu’esbroufe visuelle et désinvolture narrative. Témoin, le long clip survitaminé ouvrant le premier chapitre, pastiche de tous les clichés polardeux qui montre immédiatement les limites du projet.
Inutile donc, voire franchement antipathique, la trilogie DOA. Car l’anarchie pré-fabriquée qui sous-tend chaque pan de mise en scène n’a pour seule fonction que de masquer sa propre indigence. Contrairement à un Joe Dante qui cultive ses pulsions de piratages au point d’en faire le sujet même de ses films, lui n’assume aucune direction, ironise quand ça l’arrange, dès qu’une scène risque la cohérence. A la moindre baisse de rythme, il ne peut s’empêcher de revenir aux scènes imposées d’un genre qu’il parodiait jusqu’alors. D’où un entre-deux tiédasse, qui agit comme un anesthésiant foudroyant aux gerbes de violences et aux ruptures de récits. Quelque chose d’une crise d’enfant gâté, où l’opposition généralisée en reste au seul stade de la destruction.
Tourné dans une posture ouvertement dandy, (Miike a déclaré « faire de la résistance » en acceptant de rempiler), DOA2 illustre parfaitement cette incapacité chronique à construire après la rébellion. On quitte donc rapidement les bouffonneries de yakusa pour arpenter la voie du conte régressif. Mais tellement inapte à tenir son nouveau rythme, le film revient piteusement à la série B, disséminant ici et là des séquences de tuerie. Plus faible encore, l’ultime volet conclut sur un clip regroupant les images de la trilogie, comme si l’usine Miike, épuisée par tant d’inconsistance, encaissait une panne sèche d’esbroufe, réduite à ré-ingurgiter de vieilles bobines pour les recracher aussi sec. Dommage car cette abominable ratatouille ne fait pas oublier l’indéniable maîtrise formelle du cinéaste. Maîtrise qui donnait à Audition, son film le plus rigoureux, une éclatante majesté stylistique. Hélas, adoubé avant l’heure, il est fort probable que le prolifique nippon se gargarise pour un moment encore de ses pires travers.