Est-il possible d’attendre le prochain Ron Howard ? Non, dans la mesure où comme nombres de faiseurs sympathiques de la trempe de Barry Levinson ou Richard Donner, on est au mieux agréablement surpris par ses films, au pire totalement indifférent. Oui, car en plus des dollars habituels, Howard a raflé une pluie d’Oscar avec Un Homme d’exception et, du même coup, gagné un prestige inédit pour un réalisateur de sa trempe. En témoigne Les Disparus, western fordien sorti contre le cours des modes l’an passé qui révélait remarquablement la capacité du néo-cinéaste à ingérer l’histoire du cinéma américain avec une aisance de petit maître. Est-il pour autant devenu un auteur, sans doute pas, mais tout du moins théorise-t-il sa position de super ouvrier sur l’échiquier d’Hollywood, ce qui n’est déjà pas si mal.
Seconde collaboration avec Russell Crowe, second biopic également, De l’ombre à la lumière se positionne comme un cousin d’Un Homme d’exception : structure archi-académique, caricature d’Actor’s studio, même fond historico-larmoyant, bref un opus qui épouse les conventions du film à Oscars sans les repousser d’un millimètre. Crowe y joue un boxeur new-yorkais, petite légende de son quartier, avant que la crise de 29 ne le fasse sombrer dans une misère noire. Pour nourrir sa famille, il boxe avec une main cassée, mais tue le spectacle par son opiniâtreté molle, attirant ainsi la haine du public. Rejeté par tous, il fait la manche, les yeux hyper mouillés, à ses anciens amis. Evidemment son couple trinque, ses enfants aussi. Lorsqu’un beau jour de new deal naissant son agent le recontacte pour remplacer un boxeur au pied levé. Inutile de raconter la suite, tout le monde la connaît, mais Howard la raconte quand même, autant par pur plaisir que par opportunisme.
Et c’est cette stratégie populiste comme miroir auteuriste qui fait mouche. Howard ne peut pas être si simplet, tant la masse se substitue à lui, fait et défait son film suivant son humeur. Non seulement Russell Crowe nage en pleine soupe populaire (wasp irlandais, classe moyenne, dévoué au travail et à la famille, c’est un Rocky évolué et un anti Ragging bull), mais il suit ses courants et ses mouvements, emporté plus que porteur. Comment ne pas reconnaître là la méthode Howard, qui consiste à n’attendre du spectateur qu’une empathie basique, quasi animale (rire, pleurer, s’identifier) et par là même de quasiment se substituer à lui. Sans cela, De l’ombre à la lumière s’apparente au néant absolu. Pas de grands défis esthétiques, puisque tout confine aux clichés de la fresque proprette, pas de plaisir maniériste ou de sublimation eastwoodienne. Comment ne pas y voir la aussi, sa trajectoire de cinéaste : toujours outsider, jeté en pâture au box-office, parfois gagnant, parfois pas, alignant les films comme Russell Crowe décoche les uppercuts et en reçoit. La preuve : De l’ombre à la Lumière s’est magistralement planté, et pendant ce temps Ron Howard tourne Da Vinci code…