Back to the days : showman à succès outre-Atlantique, sorte de Richard Pryor élevé à Public Enemy, Dave Chapelle décide en 2004 de réconcilier le hip-hop avec ses origines Peace, Love, Unity, en organisant à Brooklyn une block party presque comme à l’époque. Pour l’occasion, il invite le gratin du rap et de la Nu-Soul (de Mos Def à The Roots, de Common aux Fugees expressément reformés) à jouer live, façon big band Motown, et part en goguette distribuer des billets gratuits jusque dans son Ohio natal. Gondry, que l’on attendait pas forcément sur ce terrain, collabore et enregistre le tout, limite anonyme.
D’abord, on est évidemment frappé de constater combien la culture hip hop n’existe plus, ici ou ailleurs, qu’en regardant indéfiniment dans le rétro de sa mythologie old school. Mais le problème est vite évacué puisque Gondry a le bon goût de ne pas sampler trop littéralement les poncifs du genre, libérant son sujet de la tentation sociologique, collant aux basques de l’amuseur, presque timidement et sans jamais surplomber l’évènement, naviguant au gré des vannes ou des rencontres délirantes faîtes en chemin, et captant le concert avec une sobre élégance. Mi-concert filmé, mi-docu à la limite de l’anecdotique, Block party est un peu l’envers idéalement léger du pompeux Rize, du quasi-homonyme David La Chapelle, qui théorisait à peu de frais en faisant mine de découvrir une culture déjà vieille de 30 ans.
Aucune mise en perspective ici, et c’est justement en s’effaçant consciencieusement derrière une réjouissante galerie de portraits (une fanfare communale invitée par Chapelle, un serveur rompu à l’art du beatboxing, un improbable couple de vieux hippies…) que Gondry rafle la mise. Tirant le meilleur parti de sa modestie badine, son docu bon enfant se regarde avant tout comme un hommage ému au flow, cet art du rythme vocal qui électrise tout le film, et pas seulement dans les séquences de concert : des réparties au millimètre de Chapelle aux prestations impromptues de quelques freaks croisés en route, tout le monde groove et l’enthousiasme général est forcément communicatif. Clap your hands everybody, donc.