Ça tient à quoi l’aspect authentique d’un film sur le milieu rap ? A la présence de Disiz la peste, rappeur qui n’est pas encore passé au Hit Machine ou chez Fogiel ? A une street credibility via l’adoubement de Kool Chen, auteur de quelques morceaux ou de la présence de Béatrice Dalle, l’éternelle fiancée des hip-hoppers ? A ça et à d’autres choses. Dans tes rêves est un cas particulier dans les tentatives du cinéma français pour capturer l’esprit de revendication de la génération rap. Parce qu’il aurait été plus simple d’y voir un équivalent de l’atroce Alive. Sauf que le film de Denis Thybaud n’a rien d’une transposition sur grand écran d’une Star Ac’ façon rap, où des clichés dont sont si friandes les émissions de Charles Villeneuve sur TF1. La banlieue, Thybaud s’en fout. Dans tes rêves se passe entre le 18e arrondissement et un salon de coiffure. Entre les deux, Ixe, apprenti rapper qui tente de se faire une place au soleil. Mais sans misérabilisme, trafic de dope chez les z-y va dans des cages d’escaliers d’HLM lézardés ou casquettes portées à l’envers.
S’il faut chercher une parenté au film, il vaut mieux aller chercher du côté des productions d’Ice Cube, comme Barbershop ou Friday. Des films qui ont déménagé depuis longtemps du ghetto pour un propos plus réaliste. Dans tes rêves a remplacé les coursives où on deale du shit et les caves à tournantes sur lesquelles les JT continuent de fantasmer par des plans galères où les mômes n’ont pas de quoi se payer un grec au kebab du coin. La téci chez Thybaud est à l’ancienne : un espace de démocratie ouvert sur le monde. Sur le fond, à quelques archétypes encombrants près (Elbaz et Jean-Pierre Cassel en voyous old school assez ridicules, le duo de rappers ennemis qui sortent le gun et la Benz…), Dans tes rêves est plutôt une bonne surprise. Sur la forme, ça coince un peu plus, puisque le film est tourné comme La Haine, mais en couleurs. Même plans qui sentent l’artificiel, voient le monde en steadycam flottante, comme pour allumer des gyrophares indiquant : attention poésie urbaine. En ripolinant son film d’un vernis clinquant, Thybaud flingue en fait une oeuvre qui visait justement à s’émanciper de poncifs. Une maladresse récurrente qui mène souvent le film à l’opposé du propos recherché. Dommage pour Disiz la peste, surprenant de sobriété. Malgré l’évidente bonne volonté générale, Dans tes rêves ne fait finalement que bien porter son titre et Denis Thybaud accouche (sous Ixe) d’un film qui succombe à ses fantasmes.