Un vétéran du Vietnam, dont le fils n’a pas pointé à la caserne à son retour Irak, mène son enquête. Drame : le soldat est retrouvé sur un terrain vague, carbonisé et en morceaux. Papa exhorte une belle fliquette d’asticoter sa hiérarchie pour arracher l’affaire à la police militaire, muette et combinarde. Et découvre à la manière d’un privé de film noir que l’Amérique avance cul par-dessus tête avec cette foutue guerre en Irak.
Propulsé cinéaste après le carton Million dollar baby qu’il écrivit pour Clint Eastwood, Paul Haggis commis l’irréparable : signer un premier film très pompeux et très raté (Collision) avec une kyrielle de has been, qui, comble de l’arnaque, rafla des quintaux d’Oscars. Autant dire que Dans la vallée d’Elah avait toutes les chances de confirmer deux choses : 1. Que Paul Haggis kiffe la gravité sociétale, surtout celle qui passe à la télé. 2. Qu’il n’a pas l’once d’une certitude esthétique ni le poil d’une pensée non pré-fabriquée, et que vu l’auto-satisfaction affichée, ça risque de durer un bon moment. Ce qui fait du film un objet aussi consternant qu’épouvantablement laborieux.
Tout comme Collision développait en 120 minutes ce que Michael Mann réglait en un quart d’heure, Dans la vallée d’Elah paraphrase la grammaire Eastwoodienne sans jamais en reproduire la simplicité patriarcale. Chez Haggis, la stylisation est aussi hagarde qu’hyper-consciente, elle n’entraîne qu’un surlignage symbolique, sa seule raison d’être au demeurant, tant le film d’action vire rapidement à un épisode de Columbo pas très drôle (c’est fait exprès). Seule compte l’idée de constat triste, bavardage sage mâtiné de gueule de bois. L’intrigue ne s’est pas encore enclenchée que la valse aux clichés démarre par un drapeau américain flottant à l’envers, remis dans le bon sens par Tommy Lee qui en raconte la dimension d’alerte maximale. Le reste est à l’avenant : Tommy Lee quadrille les lieux du crime, Tommy Lee désosse le téléphone portable de son fils dont il n’imaginait pas qu’il fumait du shit et se livrait à des trucs pas très moraux dans son Hummer à Bagdad (les images arrivent par mail tous les quarts d’heure), Tommy Lee, en pater horrifié, passe en revue ses copains qui corroborent ce qu’il soupçonnait, etc.
Le vieux Clint peut se permettre ce genre d’images fastoches, mais la narration les aurait tordues, et surtout les laisserait vivre sans commentaire ni écho. Haggis, lui, s’emploie à punaiser tout autour des perspectives d’intellectuel de bistrot. Ce qui pourrait se résumer par : le monde n’est ni noir ni blanc, la guerre en Irak, c’est aussi prétentieux que David affrontant Goliath (le contraire est également possible), trop dure la vie des femmes flics, des mères célibataires, des mères de militaires, des quinquas républicains déçus par George Bush. Tommy Lee Jones mouille ses pattes d’oie avec une sobriété d’acteurs à Oscars, Charlize Theron compatit pour ceux qui n’auraient vraiment rien compris. Quant à la question Irakienne, un futur reportage crapoteux sur la TNT vous permettra d’économiser 9 euros. Et 2h05.