Dès lors qu’un film du tandem Ducastel / Martineau sort sur les écrans, on a très envie de l’aimer. Hélas, l’attente est toujours plus ou moins déçue. C’est que depuis Jeanne et le garçon formidable, à la fois le plus tenu et le plus (trop) explicitement référencé aux films de Jacques Demy, une oeuvre se construit tout en laissant apparaître une sorte de relâchement paresseux, sans commune mesure avec ce qu’on pourrait espérer de leur talent (dont on doute de plus en plus à la longue). Sur une trame vaudevillesque à souhait, avec amants dans le placard, vie sexuelle cachée et doutes identitaires, le film narre le quotidien d’une famille de vacanciers dans le sud de la France. Qu’on se rassure pourtant, s’il y a bien un écueil que le duo évite avec brio, c’est bien celui d’un étalement complaisant de sentiments étriqués dont le cinéma français nous abreuve constamment ; cette morale petite bourgeoise qui bien souvent vient clore les intrigues dans un déchaînement de mauvaise conscience et dont le très raffarinesque Les Sentiments est l’exemple canonique.
Rien de tel ici, mais au contraire une joie enfantine retrouvée, adultes comme adolescents étant décrits comme de jeunes tourtereaux encore en âge de faire des bêtises. Description d’un idéal utopique qui prends corps à mesure que le récit avance. Rien de révolutionnaire non plus, mais cette fraîcheur fait du bien à l’heure d’une effroyable résurrection des valeurs morales d’antan. Néanmoins le film n’évite pas toujours le piège d’une mise en place balourde qui doit parfois moins à l’épure du vaudeville qu’à la comédie de boulevard un peu appuyée. Impression un peu fatigante parfois que le bonheur des personnages est imposé aux forceps. Dans leur premier film, ce bonheur était sans cesse contrebalancé par la noirceur (la grande leçon de Jacques Demy). Ici on n’est jamais très loin de la béatitude pure et simple (sympathique certes, mais quand même).
Heureusement le film emporte le morceau dans sa dernière demie heure vraiment loufoque où les croisements d’intrigues aboutissent à une explosion finale assez réjouissante. Pourquoi faut-il alors que le film soit esthétiquement aussi indigent ? C’est ici surtout que le film ne convainc pas, jusque dans les tentatives approximatives de comédie musicale. Toute cette misère esthétique n’est pas digne d’un tandem pour lequel on continue d’avoir de l’affection. On attendra donc encore d’être complètement convaincu par le prochain.