Très librement adapté du roman de Fédor Dostoïevski, Crime + Punishment n’est pas sans rappeler, dans sa vision du côté obscure de l’Amérique suburbaine, American beauty. Même petite ville, même jolies façades derrière lesquels se dissimule une communauté malade. Mais là où Sam Mendes jouait sur le côté lisse, parfait, d’un univers pour mieux en souligner la folie latente, c’est avec un bulldozer que Rob Schmidt emprunte les allées de cette Amérique pavillonnaire.
Rosanne (Monica Keena, figure lointaine et au féminin du Raskolnikov de Dostoïevski) personnifie la « réussite » ; elle est populaire, majorette et sort avec Jimmy, le héros footbalistique du lycée. Mais la famille de Barbie n’est pas du même acabit ; un beau-père aigri qui se complaît dans l’auto-apitoiement tout en buvant des hectolitres de vodka et une mère lasse qui aurait bien envie d’aller voir ailleurs. C’est chose faite lorsqu’elle rencontre un séduisant barman. Surprise en flagrant délit avec lui par son mari, elle finit par quitter le domicile conjugal. Avec le départ de la mère, les pulsions sexuelles et meurtrières jusque-là refoulées vont déferler dans les jardinets proprets.
Le réalisateur se croit à la fête foraine et dégomme de manière frénétique toutes les cibles qui se présentent à lui : famille, télé, école vue comme un berceau de fachos (voir la scène de la fête de l’équipe de foot qui avec ses flambeaux et ses saluts enthousiastes au drapeau est clairement appréhendée comme un rassemblement nazi). Un jeu de massacre jouissif mais dont la séduction se résume à ce caractère outré. Car ces bouffées rebelles s’accompagnent finalement d’une vision assez puritaine du monde ; influence néfaste des médias (avec tout de même une scène étonnante sur la perméabilité entre fiction et réalité où dans un cinéma les spectateurs reproduisent inconsciemment la gestuelle, sous une forme édulcorée, des acteurs du film gore qu’ils sont en train de regarder), perte des repères moraux pour la jeunesse, la faute doit être forcément expiée… Quand de surcroît le film est traversé par la figure convenue d’un ange tutélaire (Vincent Kartheiser) qui assiste en spectateur-voyeur à la descente aux enfers de Rosanne, on se trouve ici au bord de l’overdose de clichés. Malgré ses maladresses patentes, ses allégories assénées à coups de massue, ce roman de gare trash a néanmoins le mérite d’aller jusqu’au bout de ses excès.