Un signe qui ne trompe pas, et dont il faut toujours se méfier : il y a dans Crazy, stupid, love un personnage assez pénible d’adolescent plus intelligent que la moyenne, personnage de papier envoyé au tapin par le film pour se mettre le spectateur dans la poche. Pauvres petits génies, déposés là comme des porte-paroles par des films qui font à travers eux le portrait de leurs intentions, et plaquent sous les mèches blondes le label d’intelligence qu’ils s’auto-décernent. Se méfier encore plus quand le surdoué, comme ici, s’active les méninges sur un exposé : c’est la garantie que le film se présente comme une dissert’, qu’il est là lui aussi pour rendre sa copie.
Crazy, stupid, love, donc, planche dur sur son sujet – l’amour, son vertige, ses complications. L’ado génial est amoureux fou de sa baby-sitter, laquelle s’est entichée de son père, lui-même en pleine crise de la quarantaine après que sa femme, partie voir ailleurs, a demandé le divorce. Terne et gentil, le père (Steve Carrel, plus Américain moyen que jamais) retourne sur le marché des célibataires, coaché par un playboy cynique (Ryan Gosling, le sourcil toujours plus haut) qui, de son côté, déchante depuis qu’il tombé amoureux d’une jolie pimbêche évidemment peu sensible à ses charmes et dont le film dégainera tardivement l’identité pour resserrer un peu plus l’étendue de cette vaste cosmogonie sentimentale.
Ça fait beaucoup, surtout que Requa et Ficarra, révélés par le charmeur mais limité I love you Phillip Morris, n’ont pas vraiment les moyens de leurs ambitions : le film a un sérieux problème de rythme, enchainant poussivement les situations artificiellement tressées par un scénario dont les intentions se repèrent à des kilomètres, et condamnant une brochette d’acteurs par ailleurs tous excellents (Julianne Moore dans le rôle de la mère ; Emma Stone, repérée dans Supergrave) à se secourir par le cabotinage. On voit bien où se situe l’ambition, assez peu modeste, de Requa et Ficarra : occuper le terrain post-Apatow (la première partie est grosso modo un plagiat raplapla de 40 ans, toujours puceau), en visant les cimes de la comédie sentimentale sophistiquée à la James L. Brooks. Il leur reste beaucoup de chemin.