Alors que la comédie musicale américaine a presque disparu des écrans, le cinéma indien, par le biais des films bollywoodiens, prend la relève. Gurinder Chadha (réalisatrice de Joue-la comme Beckham) a compris le bénéfice qu’elle pouvait tirer de l’engouement récent du public pour ce type de production. Avec Coup de foudre à Bollywood (dont le titre original marque plus l’ancrage britannique, puisqu’il s’agit d’une adaptation libre de Pride and prejudice de Jane Austen), elle retrouve son thème de prédilection. Soit la rencontre entre culture indienne et culture occidentale, pour l’adapter aux productions musicales de Bombay. Comme dans tout film bollywoodien qui se respecte, l’intrigue du film compte à peine : il s’agit toujours peu ou prou de l’éternel et impossible trio amoureux, évidemment résolu au détriment du pseudo-« méchant » de l’histoire. Le plaisir est ailleurs : dans des numéros musicaux débridés, une propension savoureuse à l’autodérision, des héros profondément romanesques et surtout un rejet total de toute forme de réalisme.
Pourtant, il n’est pas sûr qu’au final la cinéaste rende entièrement justice au cinéma indien masala, dont le principal atout vient de cette capacité confondante à l’extravagance, à la démesure, et d’un désir profond de ne voir que la beauté en toute chose. Frileuse à sa propre culture, Gurindher Chadha a fait des films de Bollywood une version soft, pour ne pas effaroucher le public occidental : durée relativement courte (en général, ces films-fleuves frisent plutôt les quatre heures), dialogues exclusivement en langue anglaise (alors que la musicalité de la langue hindi est une part vitale de la rythmique du film indien), utilisation de guest-stars rassurantes… Du coup, son film en sort aseptisé, pur de toutes les interminables digressions et autres drames dont Bollywood raffole, mais sans âme.
Malgré toutes ses promesses, Coup de foudre à Bollywood déçoit. Reste tout de même pour les fans l’argument principal du film, quasiment sa seule raison d’être : Aishwarya Rai, véritable icône à Bombay, superstar parmi les stars, qui écrase de sa superbe présence tous les autres comédiens. Déjà interprète de la fougueuse Marianne de Raison et sentiments (dans sa version indienne, par Rajiv Menon), elle prouve une fois plus sa capacité à incarner (le mot prend avec elle tout son sens) les héroïnes romanesques classiques. La ferveur presque mythique de son jeu et son éclatante beauté en font une de ces actrices inatteignables, irréelles, qui justifient à elles seules les films réalisés pour les sublimer.